samedi 8 novembre 2014

Père Onésime Lacouture - 1-9 - Les échantillons

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LES ÉCHANTILLONS.
PREMIERE PARTIE: nature

«Ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres.» Rom. 1-20.
Plan Remarque Plan de Dieu pour avoir sa gloire (l’Écriture sainte Son fondement: (l’exemple de Jésus (la pratique des Saints (alimente les sens Conforme à la nature: (alimente l’intelligence (alimente la volonté (durée Pratique: comparer l’échantillon avec Dieu… (qualité (intensité
REMARQUE Maintenant nous allons expliquer l’usage des créatures. St Ignace dit qu’elles ont été créées pour nous aider à louer, révérer et servir Dieu. C’est ce que nous allons développer. Puisque nous devons passer notre vie à louer Dieu, il faut de la matière pour alimenter ces louanges. Ce sont les créatures qui vont nous la fournir. Nous sommes encore dans le fondement des Exercices qui contient le plan divin pour notre salut.
Souvent on nous demande: pourquoi Dieu ne nous a-t-il pas créés tout de suite dans son ciel puisqu’il nous voulait là, au lieu de nous faire passer par les choses créées de la terre où nous risquons de perdre notre âme? La gloire de Dieu donne la réponse à cette question. C’est que les louanges que nous lui aurions données au ciel n’auraient pas été libres de cette liberté qui donne le mérite. Nous n’aurions pas pu faire autrement que de le louer; alors Dieu n’aurait pas eu de gloire à nos louanges sans liberté de faire le contraire. Dieu devait donc prendre un autre moyen d’avoir sa gloire tout en nous laissant la liberté de ne pas lui en donner.
Plan de dieu pour avoir sa gloire
Pour nous laisser la liberté de le louer ou non, Dieu se cache derrière les créatures pour ainsi dire tout en se manifestant d’une certaine façon à notre intelligence. N’étant pas éblouis par la splendeur de ses perfections, nous restons libres de les louer ou non. Dieu nous a bâtis avec tout ce qu’il faut pour le découvrir à travers le voile épais des créatures, de sorte que nous arrivons à le connaître; mais il ne force pas nos louanges par sa splendeur, que nous ne voyons pas, mais que nous déduisons par un raisonnement. Nous restons donc libres de le louer ou de ne pas le louer. Si nous le faisons, nous avons du mérite et Dieu de la gloire.
Le plan de Dieu est absolument celui des voyageurs de commerce qui étalent leurs échantillons devant les gens pour les inviter à acheter de leur marchandise. Dieu expose devant les hommes des reflets de ses perfections infinies afin d’exciter les hommes à les désirer, à mériter d’aller les contempler au ciel. Comme toute créature est nécessairement limitée, Dieu en a créé un grand nombre afin de compléter par les autres ce qui manque à chacune d’elles.
L’intention de Dieu est que les hommes découvrent ses perfections divines cachées là et qu’ils arrivent à mieux connaître et à mieux aimer leur Créateur. C’est par là qu’ils loueront Dieu et qu’ainsi il aura sa gloire. Ce plan vient de la sagesse divine et tous les chrétiens devraient le connaître à fond et en vivre dans leur vie concrète. Mais les prêtres l’ignorent eux-mêmes ou en tout cas ne le donnent pas ou à peu près jamais. Parfois ils l’indiquent en passant, mais ne l’expliquent pas assez pour que les fidèles puissent le pratiquer. Rien de plus solidement établi dans l’Écriture sainte, dans la vie de Jésus et dans la vie des saints.
Son fondement
Dans la sainte Écriture, Sag. 13: «Insensés par nature tous les hommes qui ont ignoré Dieu Et qui n’ont pas su par les biens visibles voir Celui qui est. Et, par la considération de ses œuvres, reconnaître l’Ouvrier. Mais ils ont regardé le feu, le vent, l’air libre, Le cercle des étoiles, l’eau impétueuse, les flambeaux du ciel, Comme des dieux gouvernant l’univers. Si, charmés de leur beauté, ils ont pris ces créatures pour des dieux Qu’ils sachent combien le Maître l’emporte sur elles, Car c’est l’auteur même de la beauté qui les a faites. Et s’ils en admiraient la puissance et les effets, Qu’ils en concluent combien est plus puissant celui qui les a faites. Car la grandeur et la beauté des créatures Font connaître par analogie Celui qui en est le Créateur.»
Ps. 93: «Comprenez donc, stupides enfants du peuple! Insensés, quand aurez-vous l’intelligence? Celui qui a planté l’oreille n’entendrait-il pas? Celui qui a formé l’œil ne verrait-il pas? Celui qui châtie les nations ne punirait-il pas? Celui qui donne à l’homme l’intelligence ne connaîtrait-il pas?
Nous avons aussi le texte cité en tête de cette instruction. Dans l’exemple de Jésus, qui s’est servi des choses les plus banales pour mieux faire connaître les attributs de Dieu. On remarquera qu’il commence par dire que la créature n’est rien en comparaison de la perfection divine correspondante; si le mot «échantillon» n’est pas là, l’idée y est sûrement, comme nous allons voir par quelques exemples. Jean, 4: l’eau. Quand la Samaritaine vient puiser de l’eau au puits de Jacob Jésus lui dit: «Quiconque boit de cette eau aura encore soif! Elle n’est donc rien en comparaison de celle que je lui donnerai au ciel. Mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura plus jamais soif. Mais elle deviendra en lui une source d’eau jaillissante jusqu’à la vie éternelle.»
Remarquons que Jésus parle d’eau dans le ciel. La Samaritaine voulait de l’eau, Jésus l’aiguille de l’eau matérielle dans le puits de Jacob à l’eau qui jaillit jusque dans la vie éternelle. Il y a donc au ciel quelque chose qui correspond à notre eau matérielle. Personne ne sera assez simple pour croire que c’est la même sorte d’eau que sur la terre, mais tous comprennent facilement qu’il s’agit d’analogie. Jésus commence à parler à cette femme de l’eau matérielle qu’elle était venue puiser, puis graduellement il lui parle d’une autre sorte d’eau incomparablement meilleure qui désaltère parfaitement et étanche la soif pour toujours. La Samaritaine qui voulait de l’eau ordinaire veut encore bien plus cette eau extraordinaire que Jésus lui offre. Dieu a créé l’eau pour faire connaître les propriétés de la grâce qui lave les péchés, désaltère de la soif des choses créées pénètre l’âme pour lui faire porter des fruits spirituels comme l’eau fait pour les récoltes. L’eau naturelle est donc un échantillon de l’eau surnaturelle de la grâce.
Où sont les prêtres qui ont saisi tout l’enseignement surnaturel dans cette conversation de Jésus avec la Samaritaine? La femme laisse là sa cruche et court chercher ses amis pour venir causer avec Jésus. Si les prêtres donnaient cette idée des échantillons, les fidèles les laisseraient là pour courir après le surnaturel. Ce n’était pas péché pour elle de remplir sa cruche quand même de cette eau naturelle, mais devant cette promesse d’une eau supérieure, elle méprise l’eau naturelle. Voilà ce que les prêtres devraient expliquer aux fidèles; que toutes les jouissances terrestres ne sont que des échantillons de celles du ciel. Alors ils laisseraient là les échantillons pour courir après les jouissances du ciel.
Jean, 6: le pain. Après que Jésus eut nourri des milliers de personnes en multipliant les pains, la foule vint le trouver le lendemain de l’autre côté du lac, évidemment pour manger encore ce pain. Jésus leur dit: «Vous me cherchiez, non à cause des miracles que vous avez vus, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez pour avoir non la nourriture qui périt (le pain naturel ne vaut donc rien en comparaison de l’autre; ce n’est qu’un échantillon) mais pour celle qui demeure pour la vie éternelle et que le Fils de l’homme vous donnera.
Avec quelle patience il essaie d’élever leur esprit graduellement du pain matériel au pain divin! Il leur parle de la manne. «Vos pères ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts. Pourtant ce pain descendait du ciel! «Voici le pain descendu du ciel afin que celui qui en mange ne meure plus. Je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement et le pain que je donnerai est ma chair pour la vie du monde.» Les Juifs veulent du pain. Jésus leur offre un pain céleste. Celui de la terre n’est donc qu’un échantillon de l’autre. La Samaritaine voulait de l’eau naturelle, Jésus lui parle d’une eau surnaturelle. Quand les prêtres vont-ils comprendre la leçon des échantillons? Les repas. En St Luc, 22-28, nous avons l’enseignement de Jésus qui dit que les repas de la terre ne sont que des échantillons des repas célestes. «À vous qui êtes restés avec moi dans mes tentations, je vous prépare le royaume que mon Père m’a préparé afin que vous mangiez et que vous buviez à ma table dans mon royaume.» En St Luc, 12-37, il dit que c’est lui qui se ceindra et les fera mettre à sa table et qu’il les servira en passant devant eux. Les repas de la terre sont donc des échantillons des repas célestes. Mathieu 6-19. Les trésors de la terre ne sont que des échantillons des trésors célestes. «Ne vous amassez point des trésors sur la terre où la rouille et les vers les rongent et où les voleurs les déterrent et les dérobent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la rouille et les vers ne les rongent point et où il n’y a pas de voleurs qui les déterrent et les dérobent, car là où est votre trésor là aussi est votre cœur.»
Si donc Jésus ne craint pas d’offrir de l’eau céleste pour de l’eau terrestre, du pain céleste pour du pain matériel, des repas célestes pour des repas terrestres et des trésors célestes pour des trésors terrestres, nous avons donc le droit et le devoir de suivre son exemple en aiguillant tous nos chrétiens des plaisirs de la terre aux plaisirs correspondants dans le ciel, sans qu’on puisse nous accuser de faire du ciel un ciel à la Mahomet. Peu de chrétiens seront assez insensés pour croire que nous transportons les plaisirs de la terre tels quels dans le ciel. Il suffit de les avertir une fois pour toute que la différence est énorme. Jésus dit lui-même que ceux de la terre ne valent rien en comparaison de ceux du ciel, ils ne sont donc pas semblables. Dans la parabole du trésor caché et dans celle de la perle précieuse, il veut que nous donnions tous les échantillons pour acheter le ciel. Mt. 13. Quel dommage que les prêtres n’aient pas compris cette façon de faire de Jésus pour les plaisirs de la terre! Quel puissant moyen pour faire monter les chrétiens des plaisirs de la terre à ceux du ciel, pour les détacher des premiers et les affectionner aux seconds! Ceux qui trouvent ce moyen insignifiant n’ont donc rien compris à la sagesse de Jésus dans l’usage des créatures. Que tous les prêtres commencent donc d’imiter N.S. dans ce genre de prédication!… La pratique des Saints.
St Jean Chrysostome. Vol. IV, 2è hom. sur la disgrâce d’Eutropie, p. 298, écrit: Jésus donne à son épouse une dot en deux parties: l’une qui lui est donnée à titre d’arrhes, L’autre qu’il lui avait promise pour le temps à venir. Que lui a-t-il donné? Il lui a donné le pardon des péchés, la rémission du châtiment, la justice, la sanctification, la rédemption… tous ces dons furent faits aux Apôtres. Donc certains présents ont été donnés, d’autres promis; les uns livrés à l’expérience pour en jouir, les autres livrés à l’espérance, à la foi; l’une pour le présent, l’autre pour l’avenir; l’une pour ce que les yeux voient, l’autre pour ce que les oreilles entendent; l’une pour les dons effectués, l’autre pour ceux que la foi attend; l’une vous la voyez, l’autre vous l’entendez annoncer. Je ne veux pas que tu dises: encore espérer? encore attendre par la foi? Encore des biens à venir? Tiens, regarde: ces biens-ci, je te les donne; ces autres je te les promets; donc, ces autres biens sont en espérance, mais prends ceux-ci comme gages, ceux-ci à titre d’arrhes, ceux-ci comme échantillons! Je te promets un royaume? Oui, je t’ai donné encore plus: je t’ai donné le Maître du royaume…»
Voilà un saint Docteur qui comprenait parfaitement la doctrine des échantillons dans le plan divin et qui n’avait pas peur de s’en servir. Mais où sont les prêtres qui lisent ce Père de L’Évangile? Ailleurs, Hom 23; Eph. 5-10, p. 563, il écrit: «Nous aussi nous avons reçu un échantillon des fruits du ciel, non pas une grappe de raisin portée par deux hommes, Josué et Caleb, mais des arrhes de l’Esprit, cette discipline céleste que nous ont révélée Paul, tout le chœur des Apôtres… c’est Jésus qui nous a apporté les fruits du ciel.» À Ste Mechtilde, Jésus dit un jour: «Cherche-moi dans tes sens. Si ton âme voit par exemple des choses belles et admirables, qu’elle pense combien est beau, aimable et bon Celui qui les a faites et qu’elle s’élève aussitôt vers le Créateur de l’univers. Lorsqu’elle entend une mélodie suave et quelque discours agréable, qu’elle se dise: Oh! combien sera douce cette voix qui t’appellera un jour! Toute délectation qui se présente doit donc ramener le souvenir des délices cachées en Dieu qui a créé toute beauté et tout plaisir pour nous faire connaître sa bonté et pour nous attirer à son amour.» Sa vie, 3ème partie. ch. 44.
St Ignace aimait à contempler le ciel étoilé pour de là monter aux splendeurs du ciel. «Comme la terre est vile quand je contemple le ciel!» disait-il souvent.
St François-Xavier aimait à monter dans son clocher d’église à Goa pour contempler la mer qui s’étale aux pieds des montagnes de ce pays d’où il s’élevait jusqu’aux collines éternelles où son amour habitait. Ce coin de pays est un des plus beaux de la terre. Que Dieu soit béni de m’avoir donné l’insigne faveur de le visiter en 1919. En montant de Pangim à l’ancienne Goa sur les collines et en circulant à travers ces forêts de cocotiers par un chemin qui côtoie la mer, il me semblait monter au ciel tant le panorama est sublime! J’aurais voulu avoir plusieurs jours pour contempler à mon goût ce qui ravissait le cœur de saint François-Xavier. St Stanislas Kostka répondait à son frère Paul qui le sollicitait à prendre part aux soirées mondaines de Vienne: «Je suis né pour de plus grandes choses.» C’est donc qu’il avait comparé souvent les plaisirs de la terre avec ceux du ciel et qu’il avait compris que ceux de la terre ne sont que des échantillons des autres. St Louis de Gonzague avait comme refrain quand on lui vantait les beautés de la terre: «Qu’est-ce que tout cela comparé à l’éternité?» Les Saints se sont passionnés pour Dieu en proportion qu’ils ont compris que les beautés de la terre n’étaient que des échantillons de celles du ciel. Alors facilement ils aiguillaient leur esprit et leur cœur vers Dieu pour lui donner leur admiration et tout leur cœur.
Conforme à la nature
Cette idée des créatures comme échantillons de Dieu cadre bien avec la nature humaine; c’est donc une preuve qu’elle est bien de Dieu. En effet, elle donne de l’exercice à toutes les parties composantes de notre nature humaine divinisée. D’abord elle alimente la vie animale ou de sens. L’homme se sert des créatures pour se nourrir, pour son travail manuel et pour se réjouir.
Dieu a doué l’homme d’intelligence qui prend les éléments de ses connaissances dans la vie des sens, puis par sa nature spirituelle, elle peut monter plus haut que la matière pour se faire des connaissances spirituelles comme elle. À l’aide des premiers principes, elle peut se faire une certaine connaissance de Dieu et de ses perfections. Enfin avec sa volonté qui suit l’intelligence l’homme peut alimenter sa vie spirituelle et divine par la foi, l’espérance et la charité. Elle peut même aller plus loin que l’intelligence et désirer et vouloir des perfections qui dépassent l’intelligence. C’est là dans l’amour divin qu’aboutit le plan divin. Tout chrétien n’a qu’à suivre l’ordre de ses facultés ou de sa composition pour arriver à réaliser le plan divin pour son salut éternel. Voyons maintenant la pratique.
La pratique
Elle consiste à comparer l’échantillon avec la perfection céleste correspondante en durée, en qualité et en intensité. C’est la pratique de la contemplation que tous les saints ont connue et pratiquée. En durée.
Commençons par la partie animale et sensible de notre activité humaine selon l’ordre ontologique établi par Dieu qu’il faut toujours respecter. Prenons l’exemple d’une orange qu’on mange, et raisonnons selon le plan de Dieu en les créant. Il a mis là un certain plaisir animal pour nous donner une idée du plaisir qu’on goûtera au ciel en mangeant les oranges célestes. Ce plaisir ne dure que quelques minutes et même si on peut le répéter après 40, 50 et quelques années on aura fini de manger les oranges terrestres. Si j’aime tant ce plaisir, je devrais en vouloir éternellement; or il n’y a qu’au ciel que je pourrai jouir éternellement; je dois donc aller au ciel pour manger mes oranges célestes! Il ne faut pas avoir peur de faire servir ce plaisir animal à faire désirer le ciel même pour jouir d’un plaisir matériel. Dans la résurrection nos corps seront matériels quoique spiritualisés. Le corps de Jésus pouvait être touché par les Apôtres même après sa résurrection; il en sera donc de même pour les nôtres. Jésus a mangé du miel et du poisson, pourquoi ne pourrions-nous pas manger dans le ciel des choses de même nature que notre corps? Nous disons que ce n’est qu’un commencement de comparaison avec les choses du ciel; il ne faut pas en rester là évidemment. Il ne faut pas se faire un ciel matériel seulement comme Mahomet. Nous avons montré que Jésus s’est servi des choses bien matérielles comme l’eau et le pain pour faire désirer le ciel aux Juifs. Nous pouvons donc l’imiter en cela en nous servant des plaisirs matériels pour faire désirer les plaisirs correspondants dans le ciel. Autrement nous perdrions une foule d’occasions de faire servir ces choses matérielles à nous élever vers Dieu. Chose curieuse, les hommes sont tout aux choses matérielles des sens et quand on leur propose de s’en servir pour monter vers Dieu, ils s’en scandalisent!…
Le mieux est de comparer la chose qui se présente à nous dans le moment avec celle qui lui correspond au ciel. À un voyageur de commerce qui étale ses échantillons de drap, on ne demande pas du sirop. À un ivrogne, c’est inutile de parler des consolations spirituelles du ciel. Parlons-lui de liqueurs célestes et l’on a des chances d’être écouté! À un orgueilleux qui ne cherche que des louanges, n’offrons pas des choses à manger. Offrons-lui des louanges spirituelles. À tous donc, offrons le plaisir correspondant au ciel de celui qu’ils recherchent actuellement, à l’exemple de Jésus qui offre de l’eau céleste à la Samaritaine qui voulait de l’eau naturelle, et du pain céleste aux Juifs qui voulaient du pain matériel. En qualité.
Cette partie est pour l’âme qui est spirituelle. Dieu l’a mise dans l’homme comme un ange dans l’animal. Qu’on imagine l’âme se tenant comme à côté de l’animal et raisonnant sur les impressions de l’animal et gardons l’exemple de l’orange. Ce plaisir que Dieu a mis dans la manducation de ce fruit vient de Dieu et donc existait d’une certaine façon en Dieu. La bonté de l’orange était donc dans l’essence divine d’une façon spirituelle et mon âme qui est aussi spirituelle pourra donc jouir de ce plaisir au ciel et en Dieu à la façon divine. Le point difficile est que je goûte les oranges terrestres tandis que je ne goûte pas les oranges célestes et spirituelles. Là est justement mon mérite et la gloire de Dieu. Les oranges célestes ne forcent pas ma volonté et comme je ne les vois pas, je reste libre de les préférer aux autres oranges ou non. Si je le fais, il me faut faire un acte de volonté pour les vouloir par esprit de foi en Dieu. Cet acte exige l’exercice de toutes sortes de vertus très agréables à Dieu, comme un acte de foi en la parole de Dieu, un acte d’espérance en les biens célestes et un acte d’amour de préférence pour Dieu sur les échantillons terrestres. Celui qui agit de la sorte se jette aveuglément dans les bras de Dieu. Pour y arriver il faut faire toutes sortes de réflexions, de considérations et de prières pour en obtenir la grâce. En voici quelques-unes:
St Grégoire, hom. év. dim. Oct. Corps. Ch., dit: «Le plaisir terrestre est surtout dans l’appétit, mais dès qu’on le prend il disparaît, preuve qu’on n’est pas fait pour lui. On n’éprouve aucun appétit pour les choses spirituelles, mais le plaisir est dans leur expérience et plus on en prend et plus on peut en prendre: preuve que nous sommes faits pour ces plaisirs.»
Quand on approche d’une table bien garnie, c’est la faim qui fait jouir. Dès qu’elle est satisfaite, le plaisir disparaît. Il en est ainsi pour tous les autres plaisirs terrestres. Nous ne sommes donc pas faits pour eux, mais pour les plaisirs célestes qui ne rassasient jamais. Ce fait montre combien les jouissances surnaturelles sont supérieures à celles de la terre. Mais il ne faut pas s’attendre à sentir de l’attrait pour celles du ciel; nous les connaissons uniquement par la foi en la parole de Dieu et par des déductions intellectuelles; aucune d’elles n’agit sur les sens. Mais ces conclusions et ces actes sont aussi humains, viennent aussi bien de Dieu que l’attrait sensible qu’il a mis dans l’animal. C’est à l’homme de montrer son jugement en suivant ces actes de ses facultés spirituelles encore plus que les actes de ses sens.
La conduite de Dieu nous enseigne ce qu’il pense des échantillons. Il les jette à ses ennemis comme à ses amis, que de pécheurs ont tous les plaisirs qu’ils veulent! Dieu doit donc réserver à ses enfants du ciel des biens incomparablement meilleurs. Dieu nous enseigne à rejeter les biens de ce monde comme du fumier, comme de la balayure et il nous défend de les aimer. «N’aimez pas le monde ni ce qu’il y a dans le monde.» Dans un grand nombre d’oraisons l’Église nous fait demander le mépris des choses de la terre et l’amour des biens célestes. St Jean de la C., M. du C. L. 1, ch. 6, écrit: «N.S. dit: Il n’est pas juste de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens (Mt. 13-26) Gardez-vous de donner les choses saintes aux chiens (Mt. 7-6) Par ces paroles le divin Maître compare aux enfants de Dieu ceux qui renoncent à tous les appétits de la créature et se disposent à recevoir purement l’esprit de Dieu; il compare aux chiens ceux qui veulent trouver dans les créatures un aliment à leurs passions. Les enfants ne sont-ils pas admis à manger à la table de leur père des mets qui leur sont servis, c’est-à-dire, à se nourrir de son esprit tandis que les chiens se contentent des miettes tombées de la table du père de famille; et ceux qui cherchent leur nourriture dans les choses créées, sont, à juste titre, appelés chiens… aussi, marchent-ils toujours affamés, et les miettes qu’ils ramassent servent plutôt à exciter leur appétit qu’à rassasier leur faim. David dit en parlant d’eux: ils souffriront la faim comme des chiens et ils tourneront autour de la ville, mais s’ils ne sont pas rassasiés, ils s’abandonneront aux murmures.» Les passionnés des plaisirs sensibles ne goûteront pas cette comparaison du saint Docteur, mais elle est juste et bien méritée. Quelle sottise que de préférer des échantillons aux perfections divines, les miettes au banquet divin! Puisqu’on aime tant ces plaisirs, qu’on s’assure donc le ciel où ils sont éternels! Mais pour cela il faut sacrifier sur la terre ces plaisirs afin de les avoir au ciel.
En intensité. Qu’est-ce que la chaleur développée par un rayon de soleil comparée à celle développée par tout le soleil? La différence est encore plus grande entre le plaisir développé par un échantillon et le bonheur donné par Dieu au ciel. Car le plaisir est matériel et le plaisir céleste est spirituel. Dieu est l’auteur de tous les plaisirs des échantillons et le monde créé n’est qu’un rayon de l’essence divine; combien plus grand doit être le bonheur avec la source infinie de tous les échantillons! Si Dieu donne parfois à ses saints une bouffée de son bonheur divin, ils en sont ravis et ne vivent plus que pour ces joies célestes et tous les échantillons ne leur semblent plus que de la balayure. St Paul a entrevu le troisième ciel et il considère toute la création comme du fumier, en comparaison avec ce qu’il a entrevu. En résumé, l’univers est un immense catalogue du céleste magasin général. Ceux qui cherchent leur bonheur dans les échantillons sont aussi insensés que s’ils se contentaient des pages d’un catalogue au lieu de la marchandise représentée là. Certains aiment à ridiculiser le mot échantillon. Par exemple, ils montrent une cigarette et disent en farce que c’est leur échantillon du ciel. On pourrait ainsi ridiculiser toutes les comparaisons de Jésus, comme celle de la femme qui bouleverse toute sa maison pour trouver un sou perdu, échantillon de la joie céleste du retour d’un pécheur ou de la poule qui rassemble ses poussins sous ses ailes, échantillon de la providence divine pour nous protéger, etc. C’est un jeu dangereux que de se moquer de la façon de faire de J-C. Ce n’est qu’un moyen d’arriver à Dieu; on ne s’arrête pas plus au moyen qu’aux échelons d’une échelle quand on monte sur un toit. Ne nous arrêtons pas aux échantillons, mais filons au plus vite vers les perfections divines représentées par ces échantillons. Si la part de l’intelligence dans ces comparaisons est importante, celle de la volonté l’est encore plus. C’est elle qui doit donner le coup pour choisir de fait le plaisir céleste de préférence au plaisir terrestre et c’est elle qui doit obtenir la grâce de la faire par la prière. Car nous sommes dans le monde surnaturel et l’homme n’y peut absolument rien sans la grâce de Dieu, qu’il doit demander par la prière fervente et continuelle. Voilà la pierre d’achoppement pour un grand nombre à qui on explique ce système des échantillons; ils admettent vite son utilité, ils voient vite son procédé, puis trop souvent ils se contentent de faire des comparaisons purement intellectuelles et ne vont pas plus loin. Le résultat est qu’ils l’abandonnent vite parce que la grâce de Dieu n’a pas eu la chance d’agir. Puisque nous voulons des choses surnaturelles, il faut absolument les demander par la prière. Ces comparaisons ne sont que des conditions pour l’action divine de la grâce; elles n’en sont pas du tout les causes. Il faut donc prier et continuer de faire ces comparaisons.
 

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