mercredi 17 décembre 2014

Père Onésime Lacouture - 1-17 - Le mépris du monde partie 1

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QUINZIÈME INSTRUCTION LE MÉPRIS DU MONDE.
PREMIÈRE PARTIE
«N’aimez point le monde ni ce qui est dans le monde, si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est point en lui.» Jean, lère, 2.
Plan Sa signification.  Meilleure règle que de vouloir éviter le péché.  (Jésus-Christ Enseigné par: (Les Apôtres (Les Saints Tort fait par les attaches.  
SA SIGNIFICATION L’instruction précédente donnait le procédé pour arriver à l’amour de Dieu; par le fait même, elle indiquait le procédé pour mépriser les créatures.  De fait, c’est par un même acte que l’on fait ces deux choses mais d’après notre manière de comprendre on les sépare quant aux idées. 
Voilà pourquoi nous donnons une méditation sur le mépris du monde déjà compris dans l’amour de Dieu.  Nous ne ferons pas entrer ici les dons du St Esprit qui font comprendre mystiquement le néant des choses créées; ce sera pour la troisième série de nos méditations sur l’activité du St Esprit.  Pourquoi faut-il mépriser ce que Dieu a fait pour représenter ses perfections divines?   Et que lui-même trouve très bien après les avoir créées?   La raison fondamentale est dans ce fait que Dieu s’offre à nous comme rival à notre amour pour les créatures.  Sa gloire exige qu’on le préfère à quelque chose de beau et de bon; voilà pourquoi il a fait le monde si attrayant pour les hommes.  Quand à force de comparaisons entre les échantillons et les perfections divines, les hommes arrivent à choisir Dieu de préférence aux créatures, ils peuvent lui dire: Vous nous avez coûté bien cher!  Ce n’est que pour vous posséder que nous sacrifions ces bonnes et belles choses qui nous entourent.  Les échantillons ne sont donc que des moyens pour nous faire désirer le ciel, un catalogue pour nous faire connaître les beautés du magasin général de Dieu.  On rejette le catalogue quand on s’est acheté les articles qu’on veut.  Eh bien!  quand on a l’amour des perfections divines on rejette les échantillons.  Mieux encore: voici le résumé du plan divin pour nous donner le ciel en fonction des créatures.  Dans tout grain de blé il y a un germe qui contient en puissance la récolte, mais pour qu’il se développe il faut jeter le grain en terre où le petit germe se développe aux dépens de la substance du grain qu’il prend pour produire ses racines et sa tige.  Le grain doit donc mourir pour que le germe vive.
Eh bien!  dans toute créature il y a un germe d’une perfection divine; si je veux cette perfection divine, il faut que je sème cette créature, que je m’en prive et que je la rejette loin de mon coeur comme si je la détestais.  Mais de fait c’est parce qu’elle est aimable et que j’en veux plus que je la sème.  Personne ne sème de mauvaises herbes qu’il déteste, mais il sème de tout ce qu’il aime le plus et qui lui est le plus profitable.  Plus j’aime une créature et plus je devrais en semer pour récolter sa perfection éternellement au ciel.  Cette façon de faire de la Providence divine montre bien que l’amour de Dieu est exclusif.  Pas plus que pour le grain de blé, je ne puis jouir d’un échantillon et de sa perfection divine au ciel; c’est l’un ou l’autre, ni l’un après l’autre, ni les deux ensemble, c’est l’un ou l’autre.  C’est bien ce que Jésus dit en toutes lettres: Vous ne pouvez aimer Dieu et le monde; vous aimerez l’un et vous haïrez l’autre.  Jésus ne parle pas là comme les philosophes «in se», mais «in nobis».  La conclusion est donc que c’est parce qu’on aime le monde et qu’il est aimable qu’on doit le sacrifier afin d’acheter ou de récolter Dieu de préférence à ce bon grain!
À ce sujet, une remarque en passant.  C’est un mauvais principe de psychologie que de ridiculiser les plaisirs du monde devant les fidèles encore bien païens de mentalité.  Voit-on un voyageur de commerce avertir ses gens que ses échantillons ne sont bons à rien?  Personne ne voudrait de sa marchandise.  Eh bien!  puisque ce n’est qu’en fonction des plaisirs de la terre que nous pouvons désirer ceux du ciel, il ne faut pas parler avec mépris de ces amusements terrestres, mais faire tout le contraire: les louanger.  Mais il ne faudrait pas s’arrêter là.  Supposons que je veux gagner à J-C.  un orgueilleux qui recherche la gloire humaine.  Puisqu’il veut de la gloire, je l’en félicite, je l’excite à en vouloir encore plus, je lui en offre pour dix ans, vingt, cent ans et allant encore plus loin je lui en souhaite pour l’éternité.  Une fois rendu là, il est évident qu’il va me trouver intelligent.  Alors je lui indique le moyen d’en récolter toujours: c’est de semer cette gloire terrestre pour en récolter une céleste.  Comme c’est selon son ambition, selon les tendances de sa nature et selon le plan divin, il est sûr que le St Esprit va agir puissamment sur ce coeur si noble.  Quand on méprise leurs plaisirs, ils disent que nous sommes des êtres à part, des excentriques qui n’ont pas le sens du beau et du bon et à leur tour ils nous méprisent.  Donnons donc aux gens du monde les appâts auxquels ils mordent comme on fait pour les poissons, puis ensuite on les prend à sa ligne!
À ceux dont le coeur est déjà en Dieu on peut parler des folies des plaisirs du monde.  Ce n’est que lorsque le cultivateur a sa récolte ou que son grain lève qu’il ne s’occupe plus de la semence qu’il a mise en terre.  Il en est ainsi dans le monde surnaturel.  C’est l’amour de Dieu qui montre le néant des choses créées.
meilleure règle que de vouloir éviter le péché Si les prêtres
suivaient le courant d’idées exposé plus haut au sujet du grain de blé, ils emploieraient une toute autre tactique pour gagner les pécheurs à Dieu.  Ce n’est pas pratique de n’attaquer que les péchés, comme les prêtres font ordinairement.  L’attrait et le plaisir qu’ils y trouvent l’emporte de beaucoup sur l’odieux de leurs péchés.  Quand ils ont entendu les prêtres dénoncer les plaisirs charnels ils se disent: c’est bon quand même pour moi!  D’ailleurs en n’attaquant que les péchés on arrive à ne faire sacrifier qu’une bien petite partie des échantillons, ceux qui sont défendus.  Il reste tous ceux qui sont permis pour captiver le coeur des hommes et dont ils vont jouir sans scrupule le plus possible, puisqu’ils ne voient aucun péché dans leur jouissance de ces biens permis.  Ils sortent pour autant du plan de Dieu qui est d’acheter le ciel ou de le récolter aux dépens de toutes les créatures sans exception, des permises comme des autres.  Voici comment ceux qui ne veulent qu’éviter le péché se font prendre dans leurs propres filets.  Ils ne voient pas de péché dans leurs actes pris isolément, mais il peut se trouver dans l’ensemble de leur vie.  Donnons un exemple: Un cultivateur, supposons, n’a qu’un minot de blé pour sa récolte de l’an prochain.  Il doit admettre l’obligation de le semer pour vivre l’an prochain.  Mais voilà qu’il se dit: je puis bien manger ce grain de blé en particulier sans perdre ma récolte de l’an prochain, et c’est vrai.  Puis il fait de même pour un autre grain et ainsi de suite et voilà qu’il mange tout son grain, tout son blé.  Il n’aura donc rien à semer l’an prochain et par suite pas de récolte.  Eh bien!  c’est quelque chose de semblable qui se passe pour ceux qui prennent tous les plaisirs permis qui se présentent.  Fumer une cigarette, mais ce n’est pas péché; il perd cependant sa récolte pour le ciel; boire un verre de bière, ce n’est pas mal, mais il perd sa récolte au ciel du plaisir correspondant, et ainsi de suite.  Arrivé à la mort on ne peut pas mettre le doigt sur aucune action défendue, mais il n’a pas de récolte au ciel, parce qu’il a mangé tous ses grains de semence pour le ciel.  Ces gens pèchent contre le premier commandement parce que leur coeur est dans les plaisirs de la terre au lieu d’être tout en Dieu.  Le mauvais riche a été condamné pour avoir joui des choses permises: des banquets et des beaux habits.  Le péché n’entrait pas du tout dans le plan divin pour sauver ses créatures raisonnables, les anges et les hommes, puisqu’il est arrivé contre la volonté de Dieu.  Que voulait Dieu?  Il voulait l’amour, l’amour de préférence sur ses propres créatures.  Dans toutes les épreuves que Dieu envoie, c’est de l’amour qu’il veut directement et premièrement: ce n’est pas d’abord de faire éviter un péché.  Ce péché ne vient que comme conséquence quand on lui refuse l’amour qu’il veut.  Quand il demanda à Abraham d’immoler Isaac, il voulait un acte d’amour direct et Isaac n’était pas un fruit défendu.  Quand Jésus demanda à Pierre s’il l’aimait plus que les autres, ceux-ci n’étaient pas des fruits défendus.  Jésus voulait un acte positif d’amour pour lui-même.  Quand St Paul dit qu’il préfère Jésus à toutes les créatures, il ne parle pas seulement des choses défendues.  Dans l’épreuve des anges il n’y avait pas de fruit défendu.  Dans le cas de nos premiers parents il est évident que Dieu voulait dans ce fruit défendu une occasion de lui donner un acte d’amour de préférence sur ce fruit.  Le péché n’est venu que comme conséquence de ce manque d’amour envers Dieu.  C’est donc une erreur de croire que les chrétiens n’ont qu’à éviter les choses défendues pour être sauvés.  Quand Jésus dit: Celui qui abandonne son père, sa mère, etc… aura le centuple en cette vie et la gloire éternelle en l’autre, ces choses ne sont pas du tout défendues et Jésus conseille de les abandonner pour l’amour de Dieu afin de gagner le ciel.  Voici un exemple: comparons un portrait avec la personne qui y est représentée.  Toute la ressemblance du portrait lui vient de la personne tandis que les qualités de la personne sont en elle-même, lui appartiennent en propre.  Celui qui regarde un portrait porte son amour non pas au carton mais à la personne elle-même.  Eh bien!  il en est ainsi pour les échantillons qui ne sont que de simples portraits des perfections de Dieu.  Ils n’ont rien par eux-mêmes, mais leur perfection leur vient de Dieu.  C’est pourquoi tout notre amour doit aller directement et uniquement à Dieu et pas du tout aux échantillons terrestres.  Or tout cela se vérifie autant dans les choses permises que dans les défendues.  Donc qu’on ne fasse plus jamais cette distinction quand il s’agit d’amour de Dieu.
On voit tout de suite la conséquence: ceux qui ne veulent qu’éviter le péché dans la vie vont jouir le plus possible des choses permises.  Or dans tout cela ils perdent autant d’occasions de préférer Dieu à ses échantillons et donc une somme immense de mérites, même s’ils arrivent à être sauvés, en voulant éviter le péché seulement.  Les invités au banquet des noces ont refusé d’y aller pour des choses tout à fait permises: aller à la maison de campagne, aller avec sa femme, aller essayer ses boeufs… et ils sont donnés comme exemples de damnés par J-C.  même.
Prenons donc la règle la meilleure et la plus pratique de toujours agir de façon à toujours donner de l’amour à Dieu au lieu de ne pas l’offenser.  Par exemple, je ne boirai plus de bière, pas pour éviter de m’enivrer, mais pour préférer la liqueur céleste que Dieu me donnera au ciel pour ce sacrifice.  C’est un acte d’amour de préférence de Dieu sur cet échantillon et j’acquiers du mérite en proportion.  le mépris des créatures est enseigné…
Par Jésus Christ afin d’aimer Dieu; c’est le thème de tout l’Évangile: il perce constamment dans l’enseignement de J-C.  On n’a que l’embarras du choix.  Dans les béatitudes, il enseigne que le bonheur n’est pas dans les choses créées; qu’il faut s’en détacher pour mettre tout son bonheur uniquement en Dieu.  En St Luc, il résume sa doctrine ainsi: «Ainsi quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a ne peut être mon disciple.»
Dans la parabole du semeur, il montre que l’amour des choses créées est contraire à l’amour de Dieu.  «Ce qui tombe dans les épines marque ceux qui ont écouté la parole, mais en qui elle est ensuite étouffée par les inquiétudes, par les richesses et par les plaisirs de cette vie, en sorte qu’ils ne portent pas de fruit.» Luc, 14-33.  En Luc, 14-26, à un homme qui lui demande de le suivre, Jésus répond: «Les oiseaux du ciel ont des nids et les renards des tanières, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête.» C’était lui dire clairement que suivre J-C., c’est suivre la pauvreté parfaite, donc c’est mépriser les biens de ce monde.  Cela s’adresse aux choses parfaitement permises comme il est dit en Luc, 14-26: «Si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, etc… il ne peut être mon disciple.» Il faut donc se détacher aussi des choses les plus légitimes, les plus aimables et les meilleures au monde.  Il ne suffit donc pas d’éviter le péché ou mieux de vouloir éviter le péché.  Jésus l’a enseigné surtout par sa propre conduite: de la crèche à la croix il a montré un souverain mépris pour tous les biens de ce monde puisqu’il les a tous rejetés.  Enfin il a tellement saturé l’esprit de ses Apôtres du mépris des créatures qu’ils l’ont prêché avec une force extraordinaire.  Par les Apôtres.
Il y a le fameux texte de St Paul que les philosophes ne goûtent guère et qu’ils ne donnent jamais aux fidèles.  Phil.  37: «Mais ce qui me paraissait gain m’a paru perte réelle à cause de J-C.  Je dis plus: tout me semble perte au prix de l’éminente science de J-C., mon Seigneur, pour l’amour duquel je me suis privé de toutes choses, les regardant comme du fumier afin de gagner J-C.» Il ne dit pas: pour éviter le péché, mais pour gagner l’amour de J-C.  Voilà notre modèle dans l’amour de Dieu!  St Jacques, 4-4: «Âmes adultères, ne savez-vous pas que l’amitié de ce monde est l’ennemi de Dieu?  Quiconque voudra être ami de ce siècle se rend ennemi de Dieu.  Pensez-vous que ce soit en vain que l’Écriture dise: «L’Esprit qui habite en vous a des désirs qui vont jusqu’à la jalousie»?  Adultères est pris dans le sens biblique d’idolâtre, comme en Jérémie, 3-9: «Par sa bruyante impudicité Juda a profané le pays et il a commis l’adultère avec le bois et la pierre.» Évidemment, avec les idoles en les adorant comme des dieux.  Quand on aime une chose pour elle-même, on lui prête une qualité qui n’appartient qu’à Dieu.  C’est dans ce sens que St Paul dit que le service de la créature est de l’idolâtrie.  Voilà un péché dont on ne parle jamais aux fidèles et qu’ils commettent souvent.  L’amour des choses créées pour elles-mêmes est en abomination devant Dieu parce qu’on se trouve à leur prêter une qualité qui n’appartient qu’à Dieu seul.  C’est aussi insensé que si un homme donnait son amour à un portrait au lieu de le donner à la fille représentée là.  C’est ce que St Paul appelle: idolâtrie et que l’Écriture appelle: adultère.
Ce péché n’est pas seulement l’amour des choses défendues, mais aussi l’amour des choses permises du moment qu’on les aime pour elles-mêmes au lieu de les aimer en Dieu et pour Dieu, selon sa sainte volonté.  St Jean, 1, 2-15: «N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde.  Si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est pas en lui.  Car tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, des yeux et orgueil de la vie; ce qui ne vient pas du Père, mais du monde.  Or, le monde passe et sa concupiscence aussi; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement.» Il ne parle pas là des choses défendues seulement, mais il dit: tout!  Le monde qui passe, comprend évidemment les bonnes choses aussi.  L’affection pour les bonnes choses pour elles-mêmes est aussi contraire à Dieu que l’affection des mauvaises quant à son amour.  L’amour d’une épouse est aussi choqué quand son mari s’amourache d’une bonne fille que d’une mauvaise, même si «in se», il y a une grande différence entre ces deux femmes.  Par rapport à l’amour de l’épouse, les deux sont des rivales.
L’Église, dans un grand nombre d’oraisons, nous fait demander le mépris des choses créées terrestres afin de n’aimer que les célestes; c’est donc que le St Esprit y tient.  Est-ce que Dieu ne mobilise pas absolument toutes nos capacités d’aimer dans le premier commandement et pour lui seul?  Il ne reste donc aucun amour possible pour le monde.  Par les Saints.
D’abord par leur conduite, ils ont vécu détachés des plaisirs de la terre, montrant bien ainsi le mépris qu’ils en avaient.  Que de beaux passages dans les Pères de l’Église sur cette question!  Comme ils insistent tous sur la nécessité absolue de garder son coeur pur de la contagion des biens périssables!  On n’a qu’à lire les textes de l’Écriture avec leurs commentaires abondants sur ce renoncement pour voir combien ils étaient pénétrés du véritable esprit du Sauveur en tout.  Quel dommage que les prêtres ne lisent pas plus ces écrits saturés du mépris du monde et de l’amour exclusif de Dieu!  Ils changeraient non seulement leurs instructions mais aussi leur vie pratique.  À notre avis celui qui explique mieux toute la technique du renoncement est St Jean de la Croix.  Les démons sont du même avis car tout l’enfer s’est acharné à déprécier auprès des prêtres et des fidèles cet auteur qui a une doctrine spirituelle admirable, dit le Pape en le déclarant Docteur de l’Église.  Tous les philosophes du clergé lui font la guerre avec les démons comme guides.  Il est extrêmement pratique, car il fait la guerre uniquement aux affections naturelles et aux motifs qui en découlent.  Ce ne sont pas les choses qu’il hait, c’est l’amour pour les créatures qu’il combat partout, parce que rival de l’amour de Dieu dans le coeur des fidèles.
Montée du Carmel, L.  1, ch.  4, il écrit: «Il est nécessaire que l’âme qui veut arriver à l’union divine passe par cette nuit obscure de la mortification de ses tendances et du renoncement a tous les plaisirs des biens sensibles.  En voici la cause.  Toutes les affections qu’elle porte aux créatures sont devant Dieu comme de pures ténèbres.  Tant qu’elle y est plongée elle est incapable d’être pénétrée de la pure et simple lumière de Dieu.  Elle doit donc tout d’abord les rejeter; car la lumière est incompatible avec les ténèbres.»
St Jean dit en effet que les ténèbres ne l’ont pas reçu.  La raison en est que d’après l’enseignement de la philosophie deux contraires ne peuvent être contenus dans un même sujet.  Or comme les ténèbres, c’est-à-dire l’affection qu’on porte aux créatures, et la lumière qui est Dieu, sont contraires et qu’il n’y a entre elles ni ressemblance ni rapport, ainsi que l’enseigne St Paul aux Cor.  6-14, il suit de là que la lumière de l’union divine ne peut pas s’établir dans une âme, si tout d’abord ses affections aux créatures n’en ont pas été chassées.  Pour donner plus de clarté à cette doctrine, nous devons savoir que l’affection et l’attachement que l’on porte à la créature la rend semblable à cette créature et plus est grand l’affection qu’on lui porte, plus aussi elle lui est égale et semblable, car l’amour établit une ressemblance entre celui qui aime et l’objet aimé… donc celui qui aime la créature se place au niveau de cette créature et même plus bas en quelque sorte, car l’amour non seulement rend semblable, mais assujettit celui qui aime à l’objet aimé.  Aussi, quand l’âme aime quelque chose en dehors de Dieu, elle est incapable de la pure union avec Dieu et de sa transformation en lui.
Par conséquent si toutes les créatures considérées sous ce rapport ne sont rien, et l’affection qu’on leur porte moins que rien nous pouvons dire qu’elles sont un obstacle et un empêchement à notre transformation en Dieu.  Car les ténèbres ne sont rien et moins que rien, puisqu’elles sont une privation de la lumière.  De même que celui qui est dans les ténèbres ne comprend pas la lumière, de même l’âme qui est attachée à la créature ne peut comprendre Dieu et tant qu’elle ne sera pas détachée, elle ne pourra pas posséder Dieu ici-bas par la pure transformation de l’amour, ni là-haut dans la claire vision du ciel.  Ch.  5: «Celui qui veut aimer autre chose avec Dieu montre clairement qu’il fait peu de cas de Dieu; il met dans une même balance avec Dieu ce qui, nous l’avons dit, en est infiniment éloigné.  L’expérience nous apprend que la volonté, en s’affectionnant à un objet, le met dans son estime au-dessus de tout autre qui serait même plus excellent mais qui ne lui plaît pas autant.  Si elle veut jouir également de l’un et de l’autre, elle fait forcément injure au plus digne, puisqu’elle les met injustement sur le même pied.  Or il n’y a rien qui puisse être égal à Dieu; c’est donc lui faire une grave injure que d’aimer autre chose que lui ou avec lui et d’y porter son affection.  Et s’il en est ainsi que serait-ce si l’âme aimait quelque chose au-dessus de Dieu.  M.  du C.  L.  III, ch.  23: «Je vais donner une règle pour reconnaître quand les
satisfactions sensibles sont utiles ou non au progrès spirituel.  Par exemple, L’ouïe est-elle charmée par la musique ou par d’autres sons agréables, l’odorat vient-il à respirer de suaves parfums, etc.  Si chaque fois que le premier mouvement sensuel se fait sentir, la connaissance et l’affection de la volonté se portent vers Dieu, si alors l’âme accepte cette impression sensible purement en vue du résultat, qui facilite son ascension vers Dieu, c’est une preuve non équivoque qu’elle en retire un avantage réel.  On peut user sans crainte des objets sensibles lorsqu’ils favorisent la ferveur de l’esprit, car ils servent alors à la fin pour laquelle Dieu les a créés et les a donnés à l’homme, c’est-à-dire, pour exciter son esprit à la connaissance et sa volonté à l’amour.  Néanmoins celui qui retire de ces objets sensibles un effet purement spirituel n’est pas pour cela porté à les désirer et il se met pas en peine de les rechercher.  Lorsqu’ils se présentent la volonté, il est vrai, ne peut manquer d’en éprouver un véritable bonheur, à cause de ce sentiment de Dieu dont ils sont la source; mais sans avoir fait d’effort pour les attirer, elle les franchit aussitôt pour se fixer en Dieu.»
M.  du C.  L.  III, ch.  25.  «Renoncez-vous à une satisfaction, le Seigneur vous en donnera cent fois plus ici-bas, dans l’ordre spirituel et temporel; au contraire, pour un plaisir que vous prendrez dans les objets sensibles, vous en recueillerez cent fois plus de peine et d’amertume.  Par exemple, si le sens de la vue est déjà purifié et détaché du plaisir de voir, l’âme éprouve une joie spirituelle à rapporter à Dieu tous les objets divins ou humains qui frappent ce sens.  Si l’homme veut délivrer son âme du joug de la vie animale, il doit nécessairement renoncer à la satisfaction que les objets matériels lui offrent; jusqu’à ce qu’il ait imprimé à ses sens une telle habitude de mortification à l’endroit des joies sensibles, qu’il en retire l’avantage de trouver en tout l’occasion d’aller à Dieu.  Sinon il est à craindre que le contact des créatures ne fournisse à sa nature si terrestre plutôt des forces pour alimenter les sens que l’esprit et que la partie sensitive, prédominant en ses actions, n’excite de plus en plus la sensualité.  Notre divin Sauveur ne dit-il pas: Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l’esprit est esprit.  Celui dont l’attrait pour les plaisirs n’est pas mortifié, ne doit pas avoir la présomption de puiser dans l’exercice des sens un secours assez puissant pour progresser dans la vertu et accroître ses richesses spirituelles.
P.  Prat, S.J.  Théo.  de St Paul, Vol.  II, P.  508, écrit: «Très souvent dans St Paul, le monde acquiert un sens péjoratif qui lui vient d’un contraste exprimé ou sous-entendu avec un monde supérieur ou avec une humanité régénérée.  Le monde ainsi compris n’est pas toujours le monde corrompu et pervers; mais c’est au moins le monde laissé à lui-même, destitué de la
grâce divine, tel qu’il est et non tel qu’il devrait être dans les desseins de Dieu; en un mot c’est le monde naturel, par opposition expresse et tacite avec le monde surnaturel.  Les prêtres devraient bien prendre cette remarque du P.  Prat.  Pour la masse des prêtres, ils aiment à prendre cette expression de «monde» toujours au sens corrompu afin de se permettre de jouir du monde qui n’est pas toujours pervers comme sont toutes les choses permises.  Mais ces choses permises sont en général des choses purement naturelles et comme telles ne conduisent pas du tout à Dieu.
On trouve l’opposition entre le monde naturel et le monde surnaturel exprimée clairement dans les premiers chapitres de la 1ère épître aux Cor.  «Dieu a convaincu de folie la sagesse de ce monde… Le monde n’a pas connu la sagesse de Dieu; aussi Dieu a-t-il choisi pour accomplir son oeuvre les choses faibles du monde, les choses viles… La sagesse de Dieu est folie pour les hommes et la sagesse des hommes est folie aux yeux de Dieu.» Or puisque le chrétien a reçu l’esprit de Dieu, il n’a donc pas l’esprit du monde, car ces deux esprits s’excluent.  St Thomas, 1-11, 108, 4: «L’homme est placé entre les choses de ce monde et les biens spirituels dans lesquels se trouve sa béatitude éternelle, de sorte que plus il adhère aux uns et plus il s’éloigne des autres!  C’est par l’amour qu’on y adhère.  Donc ces deux amours sont contraires.
Remarquons que nous mettons l’opposition seulement
entre les deux amours, pas entre les créatures et le créateur, tout en gardant l’expression ordinaire de Mépris du monde.  St Paul lui-même dit que les créatures sont les reflets des perfections divines et donc bonnes en soi.  Cependant quand il en parle en fonction de l’amour de Dieu, il dit qu’il les considère comme du fumier comparées à l’amour de J-C.  Dieu est amour et son plan aussi est amour, donné pour acquérir son amour et donc doit être compris uniquement en fonction de l’amour.  Or à ce point de vue on voit combien faux est le plan des philosophes qui crient qu’il consiste à choisir les bonnes choses permises de préférence aux choses défendues.
Ce n’est pas vrai du tout dans l’ordre surnaturel.  Ce serait pratiquement mettre toutes les bonnes choses sur le même pied que Dieu par rapport à notre amour, ce qui est une abomination devant Dieu.  Selon St Thomas, quand les hommes vont par amour vers les créatures sans distinction de permises ou de défendues il dit qu’ils s’éloignent d’autant des choses surnaturelles.  Puisque le péché n’était pas dans le plan divin au commencement, il ne l’est pas plus maintenant, même après qu’il a été commis.  Donc le mépris des choses créées est essentiel au plan divin quant à l’amour nécessaire pour arriver au ciel.  Revenons à l’exemple déjà donné comme échantillon de notre amour pour Dieu.  Quand Baptiste, marié maintenant avec Berthe, montre encore de l’amour pour Marguerite, son ancienne amie, ce n’est pas tant Marguerite que Berthe déteste comme l’amour que Baptiste a pour elle.  Si son mari n’aimait pas cette fille, Berthe ne haïrait pas cette fille.  St François de Sales enseigne clairement cette même doctrine dans le 23ème chapitre du 1er livre de la Vie dévote.  En parlant d’un repas sans intempérance et donc bon en soi, il ajoute: «Mais l’affection qu’on y aurait serait entièrement contraire à cette dévotion, extrêmement nuisible à l’âme et dangereuse pour le salut.» Et remarquons que c’est pour une chose parfaitement réglée et modérée et donc permise.  Ce Docteur de l’Église parle donc comme St Paul quand il s’agit de l’amour de Dieu. 
L’amour des choses créées est donc le rival de l’amour de
Dieu, pas en soi, mais en nous et donc au point de vue pratique.  Toutes les objections contre cette doctrine viennent des philosophes qui ne considèrent les choses qu’en elles-mêmes, où il n’y a pas cette opposition.  Nous parlons au point de vue pratique et dans le concret de la vie en vue de notre salut éternel.
On peut objecter qu’on voit rarement cette rivalité entre ces deux amours.  C’est malheureusement vrai, mais parce que si peu de chrétiens ont le véritable amour de Dieu, l’amour surnaturel, tel qu’exigé par le premier commandement.  Les prêtres permettent aux fidèles toutes les affections bonnes en soi, comme on aurait pu avoir sur le chemin des limbes.  Ils ont donc le même amour que les païens, ils s’entendent donc bien ensemble.  Mais que des chrétiens se donnent absolument tout aux choses de Dieu, c’est alors que les autres vont les persécuter comme Jésus nous le promet.  Il y en aura toujours peu qui prêcheront cet amour exclusif parce que ces prédicateurs seront persécutés tout de suite par les autres prêtres.  Le signe de l’amour du monde est dans le respect humain; tous ceux qui agissent pour faire comme les autres montrent bien que leur amour est le monde, non pas Dieu.  Qu’ils n’attendent pas de récompenses de Dieu tant qu’ils agiront de la sorte.  Ils agissent pour plaire au monde, qu’ils attendent leur récompense du ciel.  Or que sera-t-elle après la mort?  Quelle folie!
le mépris de soi-même L’homme est créé comme le
monde; donc tout ce que nous venons de dire des créatures en général doit se dire de l’homme en particulier et surtout de la personnalité morale ou du moi en chacun de nous.  Car c’est là que l’homme manifeste son amour-propre et donc c’est là qu’il se montre l’ennemi ou le rival de Dieu quant à l’amour.  Il n’y a pas de doute que Dieu a mis en nous un échantillon de luimême.  L’homme aime à se considérer comme un roi, un
potentat; il veut que tous les autres le louent, le révèrent et le servent et il veut dominer sur la création comme un petit dieu.  De là cet orgueil en tout homme par nature.  Il se voit le centre du monde, il veut faire converger vers lui l’attention et l’admiration des autres pour augmenter sa gloire propre comme s’il était le vrai dieu de l’univers.  On voit tout de suite qu’en proportion qu’il cultive cette attitude mentale et qu’il s’attache à sa propre gloire, il vole celle de Dieu, devient son rival et s’éloigne dans la même mesure de l’amour de Dieu.  Cependant c’est Dieu qui l’a bâti ainsi, mais avec l’intention que l’homme sèmerait tous ces dons afin d’en récolter d’autres dans l’ordre surnaturel.  L’amour de soi est tout ce que l’homme a de plus précieux dans l’ordre naturel; s’il a le bon sens et le courage de le sacrifier pour l’amour de Dieu, il acquiert un immense mérite devant Dieu.  Si l’homme ne sacrifie pas cette personnalité morale, il ne peut pas s’unir à Dieu assez pour aller au ciel.  «Si quelqu’un veut venir après moi qu’il se renonce… etc… luimême.» C’est donc une nécessité absolue de renoncer à son moi pour être sauvé.  Il faut donc se mépriser pour le faire.
Mais comme pour le grain de blé, on le sème parce que de fait on l’aime tant qu’on en veut plus.  Or pour le multiplier Dieu exige qu’on le jette en terre comme si on le détestait.  C’est qu’il veut nous indiquer la nécessité absolue du sacrifice des créatures pour récolter au ciel le créateur.  Et la raison est qu’il a fait du ciel une question d’amour.  Or l’amour est une fin; c’est tout ou rien; on la veut sans limite et d’une façon exclusive.  Voilà pourquoi Dieu exige le sacrifice des créatures afin que tout notre coeur aille à lui seul.  Nous avons dans l’Écriture une bonne figure de ce sacrifice que Dieu veut de nous tous.  1 Rois, 5-3.  Les Philistins mirent l’arche dans le temple de Dagon devant leur idole.  Le matin ils trouvèrent la tête de l’idole et ses deux mains gisant à terre devant l’arche.  Eh bien!  notre idole ou notre moi doit sacrifier sa tête ou ses facultés spirituelles à Dieu, ses mains ou son activité naturelle pour recevoir toute sa sagesse et son activité de Dieu seul par
sa grâce.  Si Jésus dit que ses pensées, ses paroles et ses actions ne sont pas de lui, mais de son Père, à plus forte raison devrions-nous le dire aussi.  N’oublions pas que dans l’ordre surnaturel encore plus que dans l’ordre naturel, Dieu seul fait tout pour nous, mais en nous et avec nous.  Le chrétien doit se comporter avec Dieu exactement comme la sainte humanité de Jésus se comportait en lui; elle recevait absolument toute son orientation uniquement du divin en elle ou de la Personne du Verbe.
Comme ce sacrifice de soi-même est rarement prêché dans le monde!  Même les prêtres ont l’idée que ce n’est que pour une rare élite.  Pourtant c’est si clair que Jésus l’exige pour tous ceux qui veulent le suivre.  Or absolument tous les hommes sont tenus de le suivre.  Donc ce renoncement est pour tous les hommes et les prêtres devraient le pratiquer eux-mêmes, puis le prêcher à tout le monde sans exception.  On voit comme ils se font jouer par les démons quand ils mettent tout leur zèle uniquement à attaquer le péché.  Une fois le péché vaincu il reste encore le pire ennemi de Dieu dans le coeur: L’amour de soi!  Quelque innocent et bon qu’il soit, il empêche l’amour de Dieu d’entrer dans le coeur tant qu’il n’est pas massacré comme l’idole de Dagon l’a été devant l’arche de Dieu.
Où sont les chrétiens qui ont immolé leur jugement et leur volonté à Dieu avec leur activité physique, figurés par la tête et les mains de l’idole gisant à terre devant l’arche?  Encore une fois, les prêtres ont une grosse responsabilité devant Dieu de laisser les fidèles dans cette triste ignorance.  Qu’ils commencent par l’enseigner aux enfants des écoles, puis aux fidèles partout et toujours.  C’est ce qui manque le plus dans la prédication du monde entier.  C’est lui qui est la cause des péchés; il serait bien plus avantageux de laisser de côté le péché et d’attaquer les causes subjectives du péché qui sont renfermées dans le moi païen de chaque chrétien.
 
 

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