samedi 18 avril 2015

Père Onésime Lacouture - 1-32 - L'aumône


TRENTIÈME INSTRUCTION
L’AUMÔNE
«Vendez tout ce que vous avez et donnez l’aumône; faitesvous des bourses que le temps n’use pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où les voleurs n’ont point d’accès et où les mites ne rongent pas.  Car là où est votre trésor là est votre coeur.»
Luc.  12-33.
Plan Remarque (le surnaturel (la gloire de Dieu Son fondement… (le souverain domaine de Dieu (la folie de la croix (elle est l’amour de Dieu Son excellence… (elle est la pratique de l’Évangile (elle est une source de bénédictions (la morale: le superflu Sa mesure selon… (l’Écriture: la dîme (l’amour de Dieu: sans mesure.
REMARQUE
Nous sommes arrivés aux subdivisions de la quatrième vérité fondamentale: la folie de la croix.  C’est elle qui met Dieu en possession de sa gloire qui est la fin de la création.  Nous avons beau comprendre le plan de Dieu pour avoir sa gloire et notre salut, comme nous l’avons appris jusqu’à présent, si nous conservons notre amour pour les choses créées, nous n’aimons pas Dieu assez pour être sauvés.  Pour mettre Dieu dans notre coeur, il faut le vider de l’affection que nous avons par nature pour le créé.  Le seul moyen pratique est de les rejeter de fait en autant que nous le pouvons avec la grâce de Dieu.  Or il y a trois sortes de biens créés: les biens extérieurs ou la richesse que nous sacrifions par l’aumône; les biens du corps que l’on sème par la mortification et les biens de l’âme que l’on sème par les afflictions.  Enfin tout notre être que nous semons par la mort.  Voilà les quatre instructions qui nous restent à faire pour finir notre plan de retraite.  Trop de retraitants sont retournés chez eux avec la joie d’avoir compris une foule de vérités dans notre plan, mais ils ont oublié la pratique de ces dernières instructions; ils n’ont pas fait assez de réels sacrifices tout de suite; ils n’ont pas vidé leur coeur de l’affection de certains plaisirs qu’ils auraient dû et pu sacrifier pour l’amour de Dieu.  Alors le St Esprit n’a pas trouvé de place dans ce caravansérail plein de rivales à son amour et les idées de la retraite se sont envolées avec la fumée de leurs cigarettes et en peu de temps il ne restait que le souvenir d’avoir fait la retraite, mais rien n’était changé dans leur vie.  Celui qui ne pratique pas sa doctrine surnaturelle la perd infailliblement.  C’est une vie qu’il faut vivre pour la garder.  C’est donc par la pratique de ces dernières instructions qu’on assure la persévérance des idées des premières instructions.  Les dernières sont la sauvegarde des premières.  C’est en proportion qu’on se dépouille de fait des choses créées que le Créateur prendra leur place dans notre coeur pour nous les faire vivre de mieux en mieux.  Mettons-nous-y donc sérieusement; faisons le peu que nous pouvons et demandons la grâce d’en faire plus avec le temps.  Un des plus grands défauts des prêtres est de se contenter de prêcher la doctrine sans s’occuper de voir si les fidèles vont la pratiquer.  Évidemment aussi c’est parce que la plupart d’entre eux se contentent de leur science abstraite sans la pratique; ils ne peuvent pas être plus exigeants pour les autres.  Est-ce que N.S.  s’est contenté de donner la science de la folie de la Croix?  Non, il a été lui-même crucifié sur la croix.  Ainsi il est bon de savoir que les créatures sont les rivales de Dieu à notre affection comme nous l’avons vu dans les premières instructions, mais c’est incomparablement mieux de vider son coeur de cette affection pour y laisser la place toute à Dieu.  Voilà donc ce que nous voulons faire dans ces dernières instructions en commençant par l’aumône qui nous dépouille des biens extérieurs.
Son fondement se trouve dans les quatre vérités fondamentales déjà données.  On ferait bien de les prendre comme bases pour développer les vertus.  Ils nous fournissent de très bonnes idées sur chaque vertu expliquée en fonction de ces quatre principales.  le surnaturel est le monde de Dieu et maintenant le nôtre aussi par vocation spéciale de la bonté divine qui veut nous faire participer à son bonheur divin au sein de la Trinité.  Nous entrons dans ce monde par le baptême qui nous confère la grâce sanctifiante ou une participation créée à la nature divine qui suffit pour nous élever au rang des enfants de Dieu et nous faire héritiers du ciel avec J-C.  C’est le fondement de la doctrine du corps mystique de J-C.  qui nous fait ses membres mystiques, ayant la même vie divine que lui et la même destinée surnaturelle; nous sommes donc tous frères dans la foi et le surnaturel.  L’aumône prend alors une toute autre signification; on ne donne pas à des étrangers, mais à des frères, à des membres du même corps mystique que nous, nous ne perdons rien en donnant.  C’est comme si je prenais un $5.00 de ma main droite pour le mettre dans la main gauche; je ne perds rien.  Je me fais du bien à moi-même.  Quand je fais l’aumône, je donne à Dieu même; je suis donc gagnant à tout point de vue dans le surnaturel.  Ne prenons pas 50 ans pour comprendre cela et l’accepter de plein coeur et surtout pour le pratiquer!  Dieu insiste sur l’aumône dans l’Ancien Testament et encore plus dans le Nouveau.  Deut.  15-9: «S’il y a chez toi un pauvre d’entre tes frères dans l’une de tes portes, au pays que Yahveh ton Dieu te donne, tu n’endurciras pas ton coeur et ne fermeras pas ta main à ton frère pauvre, mais tu lui ouvriras ta main et tu lui prêteras de quoi pour voir à ses besoins selon ce qui lui manque, tu dois lui donner et en lui donnant que ton coeur n’ait pas de regret, car, à cause de cela, Jéhovah ton Dieu te bénira dans tes travaux et dans toutes tes entreprises.  Il ne manquera jamais de pauvre au milieu du pays; c’est pourquoi je te donne ce commandement: Tu ouvriras ta main à ton frère, à l’indigent et au pauvre dans ton pays!»
Aussi les Juifs sont un bel exemple pour les chrétiens; ils sont très généreux envers les pauvres partout où ils sont.  Quand nos gens seront surnaturels eux aussi seront généreux pour l’amour de Dieu.  Voici un texte terrible pour ceux qui méprisent le pauvre: Eccl., 4-4: «Mon fils, ne prive pas le pauvre de sa subsistance; ne fait pas attendre les yeux de l’indigent, n’afflige pas l’âme de celui qui a faim et n’aigris pas l’homme indigent dans sa détresse… et ne lui donne pas occasion de te maudire; car s’il te maudit dans l’amertume de son âme, celui qui l’a fait écoutera sa prière!» N.S.  montre qu’un grand nombre seront damnés parce qu’ils n’ont pas fait l’aumône.  En Mt.  25-45, Jésus dit qu’il fera le jugement dernier sur ce point.  Il dira à ceux qui sont à sa gauche: «Allez, maudits, au feu éternel de l’enfer… car j’ai eu faim… etc.» Donner aux pauvres, c’est donc donner à Jésus en personne.  C’est lui-même qui dit cela.  On voit aussi que celui qui refuse une beurrée à un pauvre prend le chemin de l’enfer; c’est un premier pas.  Les damnés sont en enfer pour chaque fois qu’ils ont refusé à un pauvre.  Cela ne veut pas dire que c’était mortel la première fois, mais c’était un pas vers l’enfer; celui qui refuse une fois à Jésus dans un pauvre refusera bien souvent par ce même manque de foi et de charité.
1 Jn.  3-17: «Si quelqu’un possède les biens de ce monde et que voyant son frère dans la nécessité, il lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurera-t-il en lui?» Ailleurs St Jean dit: «Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas?» Il faut la même foi pour les deux et Dieu veut les deux!  Il faut aimer Dieu et son prochain pour l’amour de Dieu.  Act.  4-33: «Il n’y avait aucun pauvre parmi eux parce que tous ceux qui avaient des terres et des maisons les vendaient et en apportaient le prix qu’ils déposaient aux pieds des Apôtres et ils distribuaient ensuite selon que chacun avait besoin.» Ce texte prouve que les Apôtres prêchaient non seulement la nécessité de faire l’aumône, mais aussi celle de se détacher même des biens permis… ce que les prêtres n’osent plus faire de nos jours.  Ils ne prêchent que la nécessité de sacrifier les biens défendus, ce qui n’est que du pur paganisme.  Nous n’avons pas plus le droit de nous attacher aux biens permis qu’aux défendus.  La Didaché, ou le catéchisme des douze Apôtres qui circulait au premier siècle parmi les chrétiens dit: «Si nous venons en partage pour les biens célestes, à plus forte raison pour les biens périssables.» La lettre à Barnabé contient la même idée: «Soyez en communauté de biens avec le prochain et ne vous attribuez rien en propre.  Car si vous partagez les mêmes droits sur les biens célestes et incorruptibles, à plus forte raison sur les biens terrestres et corruptibles.» Lucien, le païen, rend un bon témoignage à la doctrine chrétienne: «C’est quelque chose d’incroyable que l’empressement avec lequel les gens de cette religion s’assistent dans leurs besoins.  Ils n’épargnent rien en pareil cas.  Pérégrinus profita bien de leurs largesses qui lui fournirent de quoi faire de gros revenus.  Leur premier législateur leur a mis dans la tête qu’ils sont tous frères.» Voilà un des meilleurs motifs à donner: nous sommes tous frères en J-C.  Voilà ce que tout chrétien devrait savoir sur le bout de ses doigts comme nous disons.  Les parents devraient enseigner à leurs enfants à partager les bonnes choses qu’ils ont, comme les bonbons, leurs jouets, etc., avec les autres enfants pour ce motif surnaturel.  Combien font tout le contraire: ils leur enseignent à être avares: Garde-le pour toi!  Surtout, qu’ils les accoutument à aller porter des bonnes choses aux familles pauvres autour d’eux afin de les surnaturaliser davantage.  La gloire de dieu est procurée par l’aumône au moins de deux manières: elle nous fait imiter Dieu qui donne constamment et elle est un bon exercice de présence divine dans le prochain.  Un des caractères essentiels de Dieu est de donner: dans son essence divine, le Père s’est tout donné à son Fils et les deux au St Esprit.  Au dehors Dieu a donné son Fils unique au monde pour nous racheter et ce don n’était que le prélude des dons célestes qu’il nous fait et nous fera au ciel à cause de la rédemption par J-C.  Enfin toute la création est donnée à l’homme.
Puisque l’homme est destiné à vivre la vie de Dieu au ciel, il est glorieux pour Dieu de voir ses enfants adoptifs agir comme lui en autant qu’ils peuvent par les aumônes qu’ils font à leurs frères.  Au ciel les élus méprisent les biens terrestres pour n’aimer que les célestes; ceux qui sont généreux sur terre imitent donc leurs frères célestes: ils se montrent dignes d’aller les rejoindre un jour.  Exemple: Un cultivateur aime à voir son jeune fils le suivre aux champs pour l’imiter en semant comme son père.  Si l’enfant revenait à son père pour remplir son petit sas quand il en a encore, il lui donnerait la première fois, mais il lui dirait vite de le vider complètement avant de revenir en chercher d’autre.  C’est ce que Dieu veut de nous, il veut que nous vidions nos poches, nos coffres… et il les remplira!  Plusieurs aiment à garder un gratin pour des cas de nécessité; Dieu n’aime pas cela.  Est-ce qu’une mère est portée à donner de la nourriture à son enfant quand il en a encore dans son assiette?  Pas ordinairement.  Qu’on en fasse l’expérience et l’on verra par soi-même ce que Dieu pense de cette façon de faire.
C’est un exercice de présence de Dieu dans le prochain.  Dieu tient tellement à ce que nous le voyions dans le prochain qu’il a disposé sa Providence pour que nous ayons tous besoin les uns des autres.  Par exemple, Dieu me donne $1000.00 de trop pour moi et pas assez à mon voisin.  Il pourrait aussi facilement nous donner à chacun $500.00 et chacun resterait chez soi sans s’occuper de son prochain.  Mais quand je sais que mon prochain n’a pas assez d’argent pour vivre et que j’en ai trop, Dieu veut que je sois son commissionnaire et que j’aille porter de mon argent à mon voisin pour l’amour de Dieu et en voyant Dieu.  Il me donne donc une chance de l’imiter en donnant et une chance d’exercer ma foi en voyant Dieu dans mon voisin pauvre.  De son côté mon voisin pauvre doit voir le bon Dieu en moi qui lui donne de mon superflu et qu’il ne soit pas humilié pour cela, mais qu’il voit là une occasion pour lui d’aimer plus pour l’amour de Dieu.  Cette action réciproque de voir Dieu dans le bienfaiteur et dans le bénéficiaire sont des actes de foi très agréables à Dieu et glorieux pour lui, comme les actes de reconnaissance que chacun doit offrir à Dieu, l’un pour les biens qu’il a reçus directement pour ainsi dire et l’autre pour ce qu’il a reçu de Dieu aussi indirectement.  C’est donc pour sa gloire que Dieu veut l’aumône.
le souverain domaine de dieu est le contrôle que Dieu exerce sur toute la création parce qu’elle lui appartient en propre en étant le Créateur.  Nous ne sommes donc que les administrateurs des biens qu’il nous prête.  Les conséquences pratiques sont très importantes.  En voici quelques-unes qu’on trouve surtout en St Jean Xtone, celui qui aimait profondément les pauvres et en a le mieux parlé.  Il a des idées merveilleuses à leur sujet.  Quel dommage que les sociologues ne puisent plus dans ces trésors merveilleux pour régler la question des relations entre les riches et les pauvres pour tous les temps et tous les pays.  «Les pauvres ont droit au superflu des riches qui sont tenus de le donner aux pauvres.  Quand les percepteurs des droits du roi viennent collecter leurs taxes, est-ce qu’ils mettent un genou en terre pour vous supplier pour l’amour de Dieu de les payer?  Pas du tout!  Et si vous trouvez que c’est trop ou que vous n’avez pas d’argent, ils vous menacent de confisquer vos biens et de vous jeter dehors.  Aussi vous prenez bien soin d’avoir l’argent et vous vous exécutez tout de suite.  Eh bien!  les pauvres sont les percepteurs des droits de Dieu et si vous les faites attendre, ils peuvent vous menacer des foudres de Dieu le maître, qui les envoie collecter ses droits… et Dieu dit qu’il les exaucera!…
Les pauvres sont la richesse des riches!  En effet, le pauvre est comme une terre à ensemencer que Dieu offre au riche; en proportion qu’il sème là, il récoltera devant Dieu.  Comme les cultivateurs sont contents d’avoir plusieurs terres; que tout chrétien soit content aussi d’avoir beaucoup de pauvres autour de lui!  C’est par eux seuls qu’il aura son centuple en cette vie et le ciel après cette vie.  St Frs de Sales, 35ème lettre, écrit: «Si ce que vous jetez en terre, vous est rendu avec usure par la fertilité, sachez que ce que vous jetez dans le sein de Dieu, vous sera infiniment plus fructueux d’une façon ou d’une autre: c’est-à-dire, Dieu vous en récompensera en ce monde ou en vous donnant plus de richesses, ou plus de santé ou plus de bonheur».
Les pauvres sont le ciel des riches!  Voici la plus belle idée que je connaisse au sujet des pauvres.  Que tous les prêtres la répandent le plus possible!  Les riches ont été créés pour donner la vie temporelle aux pauvres, tandis que les pauvres ont été créés pour donner la vie éternelle aux riches.  La fonction des pauvres est donc incomparablement supérieure à celle des riches.  Car les riches seront sauvés par les pauvres qu’ils auront soulagés.  Jésus le dit explicitement: «Faites-vous donc des amis avec l’argent d’iniquité, afin que lorsque vous mourrez ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels!  La conclusion est que c’est aux riches d’aller quérir leur ciel auprès des pauvres.  Qu’ils se servent de leurs belles voitures pour chercher les pauvres, qui n’ont pas ces facilités pour aller voir les riches.  Qu’ils leur portent à domicile leurs offrandes comme à des grands seigneurs dont ils espèrent partager un jour les somptueuses demeures éternelles!  Si le pauvre refuse, que le riche mette un genou à terre et qu’il le prie au nom de Dieu de vouloir bien prendre son aumône afin qu’il ait une chance d’être avec lui un jour au ciel!  St Jean Chrysostome est logique.  On devrait aller jusque là si on est conséquent avec sa foi.
Quelle doctrine consolante pour les pauvres, mais terrible pour les riches!  Qu’on la donne à tous les fidèles!  St J. 
Chrysostome, Rom.  12, hom.  21, no.  3: «Il nous enseigne que nous ne devons pas attendre que ceux qui ont besoin de nous viennent nous trouver, c’est nous qui devons courir après eux et les poursuivre!  Ce que fit Abraham, qui à la vue de l’étranger s’élançait à sa rencontre et se prosternait devant lui et s’abaissait jusqu’à terre, il lui disait: Seigneur si j’ai trouvé grâce devant vos yeux, ne passez pas la maison de votre serviteur (Gen.  18).  Nous ne faisons pas de même à la vue d’un étranger ou d’un pauvre, nous fronçons les sourcils, nous ne le croyons pas même digne de notre entretien et si des milliers de supplications sont parvenues à nous attendrir, nous ordonnons à nos serviteurs de donner un peu d’argent et nous pensons avoir accompli le devoir dans sa perfection.
Doit-on donner aux imposteurs?  St J.  Chrys.  l’affirme sans hésitation.  Lorsque nous étions nous-mêmes imposteurs, est-ce que le Père éternel ne nous a pas donné tout ce qu’il avait de meilleur au ciel, son Fils unique?  Est-ce qu’il ne continue pas encore de donner aux pécheurs de toutes sortes?  Si nous voulons ressembler à notre Père céleste, il nous faut donc donner aussi aux imposteurs.  Que penser de ceux qui questionnent les pauvres pour découvrir quelque supercherie?  St J.  Chrys.  dit: Dieu ne met pas les pauvres sur le chemin des riches pour leur faire passer des examens de conscience, mais pour que les riches les soulagent de leurs misères.  Quand une femme glisse sur la glace et tombe sur le trottoir, est-ce qu’on lui demande si elle est en état de grâce avant de la relever?  Si Dieu exigeait une conscience immaculée pour nous donner à manger combien parmi nous auraient droit à leur souper?  «Mais ce pauvre, me direz-vous, invente tous les jours cent mensonges.  Voilà précisément ce qui le rend plus digne de compassion.  La nécessité où il est réduit le jette dans cette extrémité et lui fait perdre la honte, après avoir perdu tout le reste.  Cependant non seulement nous ne sommes pas touchés de cette misère, mais nous leur disons des paroles outrageantes.  Ne t’ai-je pas donné hier?  ou encore avant-hier?  Quoi, mes frères, ce pauvre pour avoir vécu hier et avant-hier, ne doit-il pas vivre aujourd’hui?
Vous imposez-vous cette loi à vous-mêmes?  Vous ditesvous: J’ai bien mangé hier, j’ai bien mangé avant-hier, je ne mangerai donc pas aujourd’hui!… Si vous n’êtes pas sensible à son état, vous devriez l’être au moins à cette dure nécessité qui l’oblige d’essuyer tous vos reproches et de perdre la honte en vous importunant encore parce que la misère le presse et l’accable… il vient à vous comme un homme qui fait naufrage, il vous tend les mains.  Et au lieu de lui servir de port et d’asile, vous le rejetez dans la mer et dans la tempête.  Pourquoi lui reprochez-vous l’état où il est?  Croyez-vous qu’il se fut jamais adressé à vous, s’il en eut attendu ce traitement?» Le saint dit encore que c’est une honte que les riches obligent les pauvres à user de ruses pour avoir leurs dus.  Ils sont obligés de simuler toutes sortes d’infirmités avec des douleurs terribles pour apitoyer les riches comme de s’attacher l’avant-bras sur l’autre partie pour faire croire qu’ils sont manchots, ou la jambe sur la cuisse, etc… Si les riches faisaient leur devoir, les pauvres ne seraient pas réduits à ces mesures extrêmes pour toucher les riches.  Le riche qui voyage ne porte pas avec lui les beaux meubles qu’il achète en cours de route; il les envoie porter à son palais où il doit demeurer à son retour.  Eh bien!  nous sommes des pèlerins qui cheminons vers le ciel, notre vraie patrie; envoyons là, par les pauvres nos porteurs, tous les biens que nous voulons retrouver au ciel!  Voilà un bon fondement de l’aumône!
Tout de même on peut user de prudence.  Le catéchisme des Apôtres dit: Que ton aumône transpire dans ta main; sache à qui tu donnes.  Et St Paul dit que le paresseux ne mérite pas de manger.  On peut donc user d’un peu de prudence.  Mais tous les avares sautent sur ces textes pour ne rien donner.  C’est une erreur.  Voici ce qu’on peut dire: On doit refuser l’aumône quand on va s’en servir pour offenser Dieu, ou pour entretenir des habitudes de gourmandise et de luxe.  Mais quand par exemple, un ivrogne demande à manger, on doit lui donner; donc après leur péché.  On peut faire la leçon parfois, mais combien vont en abuser et passer toute leur vie à donner des leçons aux pauvres!  Je ne voudrais pas être à la place de ce professeur de prudence devant Dieu.  Est-ce que Dieu nous a refusé à manger après nos péchés?  Nous n’avons pas le droit de le faire non plus… Après tout c’est le bon Dieu qui a créé ces paresseux et ces sans-dessein comme les infirmes et les malades.  Ce n’est pas plus difficile pour Dieu de donner un petit esprit ou un petit coeur de poule à un homme que de le faire manchot ou boiteux.  Quand même ce coeur minuscule est dans un grand corps, comme c’est le coeur qui fait tout marcher, ce gros homme fatigue comme un enfant.  À qui la faute?  À celui qui l’a créé ainsi.  De même que quand Dieu veut que quelqu’un soit pauvre, il lui donne tout ce qu’il faut
pour cela; il suffira d’un manque insignifiant quelque part, comme manque de prévoyance ou de jugement ou d’intelligence pratique ou pas de chance malgré toutes ses bonnes qualités, etc.  Dieu ne dit pas qu’il punira les riches qui ont méprisé les bons pauvres, les pauvres intelligents, etc.; aucune distinction: les pauvres!  Donc personne n’a le droit d’en faire puisque Dieu n’en fait pas.  Puisqu’il nous commande de faire du bien à nos ennemis, à plus forte raison à tous les pauvres sans distinction.  Jésus veut que nous agissions exactement comme son Père qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants… et l’on pourrait ajouter sur les bons pauvres et les mauvais pauvres, sur les pauvres intelligents comme sur les pauvres imbéciles.
Cette question des pauvres est extrêmement importante pour les riches car c’est là leur salut en général!  Ce n’est pas pour rien que Dieu a mis ces terres ambulantes autour des riches; c’est pour qu’ils s’en servent pour semer afin de récolter dans le ciel.  Voilà les questions que tous les sociologues devraient connaître et répandre dans le monde pour améliorer les conditions des pauvres et conserver la fortune aux riches!
La folie de la croix est un autre bon fondement de l’aumône, car elle enseigne à semer pour récolter, donc à donner du terrestre pour récolter du céleste; de l’humain pour récolter du divin et enfin du temporel pour récolter de l’éternel.  Comme c’est tout le fond de notre retraite, c’est inutile d’insister davantage.  Il suffira de citer encore une fois St Jean Chrys.  8ème homélie contre Amonéens: «Les pauvres donnent plutôt qu’ils ne reçoivent.  Regardez donc l’aumône non comme une perte, mais comme un gain; non comme une dépense mais comme un prêt avantageux.  Vous recevez plus que vous ne donnez.  Vous donnez du pain et vous recevez la vie éternelle, vous donnez un habit et vous recevez un vêtement d’immortalité; vous donnez un abri sous votre toit et vous recevez le royaume des cieux; vous distribuez des richesses périssables et vous recueillez des biens éternels.»
Son excellence Elle est l’amour de Dieu.  Le plan divin nous met en demeure de choisir entre les créatures et Dieu.  Jésus dit que nous ne pouvons pas aimer les deux; que nous aimerons l’un et haïrons l’autre ou vice versa.  L’homme montre donc son amour pour Dieu en se dépouillant des créatures, ce qu’il fait par l’aumône.  St Paul, 2 Cor.  9-0, dit que Jésus de riche qu’il était s’est fait pauvre pour l’amour de nous.  Si donc Jésus montre son amour pour nous en quittant ses richesses pour devenir semblable à nous, pauvre, nous aussi nous montrerons notre amour pour lui en abandonnant nos biens pour préférer les biens célestes.  L’amour met tout en commun; donc notre amour pour Dieu doit vouloir ses biens célestes dont nous jouirons éternellement avec Dieu au ciel.  Elle est la pratique de l’Évangile, comme St Paul le dit, 2 Cor.  0-13: «À cause de la vertu éprouvée que cette offrande montre en vous, ils glorifient Dieu de votre obéissance dans la profession de l’Évangile du Christ.» Comme le renoncement aux créatures fait le fond de l’Évangile, c’est inutile d’insister davantage.  Elle est une source de bénédictions, comme l’Écriture l’enseigne dans une foule de textes dont voici quelques-uns: Tobie, 12-8: La prière est bonne avec le jeûne, et l’aumône vaut mieux que les trésors et l’or.  Car l’aumône délivre de la mort et c’est elle qui efface les péchés et qui fait trouver la miséricorde et la vie éternelle.»
Ps.  40: «Heureux celui qui prend souci du pauvre!  Au jour du malheur Yahveh le délivrera.  Yahveh le gardera et le fera vivre; il sera heureux sur la terre et tu ne le livreras pas au désir de ses ennemis.  Yahveh l’assistera sur son lit de douleur.» Is.  58: «Le jeûne ne consiste-t-il pas à rompre ton pain avec celui qui a faim, à recueillir chez toi les malheureux sans asile; si tu vois un homme nu, à le couvrir, à ne point te détourner de ta propre chair?  Alors ta lumière poindra comme l’aurore et ta guérison germera promptement; ta justice marchera devant toi; la gloire de Yahveh sera ton arrière-garde.  Alors tu appelleras Yahveh et il répondra: tu crieras et il dira: Me voici!» Enfin Jésus dira au jugement dernier: «Venez les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé depuis le commencement du monde, car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, etc.» L’aumône donne donc le ciel!
Sa mesure selon la morale on doit donner son superflu.  C’est évident en théorie mais en pratique il est difficile de déterminer ce superflu.  Que d’éléments entrent en jeu pour le juger!  Il est facile de se créer des besoins de toutes sortes en proportion que le coeur est dans les choses du monde.  On peut y faire passer tout le luxe des riches et n’avoir jamais de superflu.  Ce n’est donc pas une bonne règle pour les chrétiens.  Selon l’écriture sainte c’est la dîme que Dieu lui-même demande à son peuple dans l’Anc.  Testament et les Apôtres ont transmis cette doctrine aux fidèles du Nouveau.  C’est une assez bonne proportion pour détacher le coeur de l’amour des biens de ce monde et s’attirer les bénédictions du ciel.  Nomb.  18-24: «Je donne aux Lévites comme héritage les dîmes que les enfants d’Israël prélèveront pour Yahveh.» Lévit.  27-30: «Toute dîme de la terre, prélevée soit sur les semences de la terre, soit sur les fruits des arbres, appartient à Yahveh, c’est une chose consacrée à Yahveh.» Deut.  11-13: «Dieu promet toutes sortes de bénédictions à ceux qui garderont ses ordonnances, parmi lesquelles se trouve la dîme, et des malédictions pour ceux qui ne les garderont pas.» Malac.  3-6 montre Dieu irrité contre son peuple parce qu’il ne paie plus sa dîme.  «C’est parce que moi, Yahveh, je ne change pas que vous les enfants de Jacob, vous n’avez pas été consumés.  Depuis les jours de vos pères, vous vous êtes écartés de mes ordonnances et vous ne les avez pas observées.  Revenez à moi et je reviendrai à vous, dit Yahveh des armées; et vous dites, en quoi reviendrons-nous?  Dans la dîme et la part à prélever.  Vous êtes frappés, vous, de la malédiction, et moi, vous-me fraudez, vous, toute la nation.  Apportez toute la dîme au trésor et qu’il y ait des vivres dans ma maison.  Et mettez-moi donc à l’épreuve en ceci, si je n’ouvre pas pour vous les écluses des cieux et si je ne répands pas sur vous la bénédiction jusqu’à surabondance.  Pour vous, je chasserai l’insecte qui dévore, il ne vous détruira plus les fruits du sol et la vigne ne sera plus stérile pour vous dans la campagne, dit Yahveh des armées.  Toutes les nations vous diront heureux et vous serez un peuple de délices, dit Yahveh des armées.» Le bon Dieu accomplit donc la promesse qu’il avait faite au Deut.  de châtier ceux qui ne paieraient pas leurs dîmes.  Les Apôtres ont transmis cette doctrine aux fidèles comme on peut le voir par l’institution des diacres pour distribuer ces aumônes, devenues trop abondantes pour les Apôtres qui auraient perdu leur temps à faire cette distribution.  On peut lire aussi les deux chapitres de St Paul, 2 Cor.  8 et 9.  Nous conseillons fortement à tous les fidèles de prendre cette recette divine pour s’enrichir non seulement des biens de ce monde, mais surtout des biens du ciel.  Qu’on l’enseigne aux enfants, qu’ils s’habituent à donner la dîme de ce qu’ils reçoivent en présents de leurs parents et amis, au lieu de tout garder pour eux et de satisfaire leur «païen».
Un Canadien voulait une position d’une compagnie
protestante qui l’avait refusé deux fois à cause de sa nationalité et de sa religion.  Un soir que sa femme était au sermon où j’expliquais justement l’aumône, elle fut frappée de cette doctrine.  Arrivée chez elle, elle dit à son mari de promettre le dixième de son salaire et d’essayer encore.  Ce fut accepté tout de suite.  Et lui aussi fut engagé immédiatement.
Un jour, un homme me fait monter dans sa superbe auto, pour laquelle je le félicite et lui dis qu’il est chanceux de faire si bien.  Alors il me dit qu’il donnait beaucoup aux pauvres et que Dieu semblait le bénir à cause de cela.  Puis il me dit qu’il avait donné $500.00 l’an dernier.  Alors, vous avez fait autour de $5000.00 de profit, lui dis-je.  Comment savez-vous cela; c’est à peu près cela.  Dieu lui donnait en proportion de sa dîme de $500.00.  J’en connais un autre qui donne sa dîme aux Missions de Chine depuis 20 ans et il n’a pas perdu une seule journée de travail à cause de maladie et il est béni de Dieu en tout avec un accroissement signalé de foi et de vertus.  Quand j’étais Curé à Caughnawaga, avec des gens bien pauvres, j’ai donné avec la permission des Supérieurs $100.00 aux bonnes oeuvres et j’ai dit au bon Dieu que j’en voulais $10,000.00 et vite!  En trois mois, je l’avais!  J’ai donné ensuite $200.00 et j’ai demandé $20,000.00 et je les ai eus.  Je voulais donner un autre $200.00, mais mon Provincial m’a refusé la permission; alors, j’ai dit au bon Dieu: vous voyez ma bonne volonté, ça devrait valoir quelque chose!  Dans le courant de l’année le Gouv.  d’Ottawa, qui m’avait dit qu’il ne me donnerait plus d’argent pour l’église, m’envoie un chèque de $2000.00 sans me dire pourquoi!  Mais moi je savais que c’était pour que je remercie Dieu de sa bonté et lui donne toute la gloire… Il récompense même les bons désirs!  Que d’autres exemples on pourrait ajouter!  Que chacun en fasse l’expérience par luimême!  selon l’amour de dieu on ne mesure rien!  On donne le plus possible sans compter.  Si des obligations de famille empêchent de tout donner, au moins on en garde le désir dans le coeur.  Aucune affection naturelle ne doit rester dans un coeur catholique, mais du pur surnaturel seulement comme dans le ciel.  Si on ne sait pas au juste que faire, il vaut mieux aller du côté de l’aumône; les conséquences éternelles sont autrement avantageuses que celles de rester au deçà.
Pour en prendre l’habitude, il faut s’exercer graduellement, comme dans toute habitude.  Donnons, par exemple, un meuble dont nous pouvons nous passer, puis reposons-nous de cet acte de détachement réel.  Attendons la grâce de Dieu pour en faire un autre.  Si on va trop vite dans les débuts, et avant la grâce, le démon en profitera pour nous décourager.  Il va nous pousser à l’extrême tout de suite, puis il nous montre la sottise de tout vider sa maison.  Alors on cesse de donner.  Encore une fois ayons à coeur de vider la maison, mais dans la pratique, à cause des autres avec lesquels on vit, il faut y mettre de la prudence.  Surtout quand on est seul concerné, ce sera plus facile de se dépouiller le plus possible, mais là encore, à condition d’être parfaitement content de le faire.  Si dans le coeur, on trouve cela trop dur, eh bien!  vaut mieux garder ses biens.  Voici un exemple.  Que dirions-nous à un jeune homme qui nous dit: je veux me faire religieux, mais lorsque j’y pense ca m’attriste.  Il a envie de disputer, de se révolter et il trouve cela bien dur de quitter le monde.  Eh bien!  pour ma part, je lui dirais: Mon ami, restez où vous êtes!  Vous n’avez pas la grâce de la vocation.  Eh bien!  il en est ainsi pour l’aumône; quand elle devient une corvée énervante et choquante, c’est signe qu’on en fait trop pour ses moyens. 

Diminuons-la.  En tout cas, imitons les Saints dont la tendance était de se dépouiller de tout en proportion qu’ils apprenaient à aimer Dieu.

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