mercredi 11 novembre 2015

Père Onésime Lacoutre - 2-9 - La Nativité de Jésus


HUITIÈME INSTRUCTION

LA NATIVITÉ.

«L’ange dit aux bergers: «Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera une grande joie pour le peuple: il vous est né aujourd’hui dans la ville de David un sauveur qui est le Christ Seigneur.  Et voici ce qui vous servira de signe: vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche.» L.  2-10.

Plan Remarque.  (Edit de César Auguste (Refusés à l’Hôtellerie (L’étable Voyage à Bethléem: (Naturelle: faiblesse, folie, mépris Naissance de Jésus: (Miraculeuse: puissance, sagesse, amour (Anges (Pasteurs Adoration des… (Bergers: (Pauvres (Eveillés (Chrétiens

REMARQUE.  Enfin nous voici arrivés à la nativité de Jésus.  Ceux qui trouvent qu’on prend beaucoup de temps pour y arriver doivent se rappeler les idées qu’on a développées dans la méditation sur la préparation à l’Incarnation.  Dieu veut se faire désirer avant de se donner et nous devons préparer notre âme à recevoir le surnaturel.  S’il s’agissait seulement de connaître Jésus, tout ce qui précède ne serait guère utile, mais s’il s’agit de recevoir une connaissance infuse de Jésus, une connaissance qui vient surtout de Dieu, qui éclaire l’âme de sa lumière surnaturelle.  Or celle-là doit se préparer dans la méditation et la prière et pour avoir le courage de s’y livrer il faut aller en la foi ou en la révélation pour en connaître les exigences et les principaux caractères.  C’est ce que nous avons essayé de faire dans les méditations précédentes.

Nous avons dit qu’il faut approcher les mystères de Jésus surtout avec le cœur ou avec l’amour.  Or l’amour, du moment qu’il a l’objet aimé devant lui, n’est jamais impatient; le moindre détail suffit à l’intéresser.  Avis à ceux qui cherchent du nouveau et qui veulent courir d’une idée à l’autre!  Qu’ils changent de faculté!  Qu’ils passent de la tête au cœur et cela de plus en plus à mesure que nous avançons dans la vie de Jésus.

Il est dit de Marie qu’elle ne comprenait pas ce qu’on disait de Jésus, mais qu’elle gardait dans son cœur ce qu’elle entendait de lui.  Voilà notre modèle!  Le St-Esprit nous indique clairement donc que ce ne sont pas les idées sur Jésus qui sont utiles, mais les garder dans le cœur.  Ce n’est pas de la spéculation comme on fait dans les sciences profanes qui compte ici, mais l’affection qu’on met à contempler Jésus.  N’oublions pas que Jésus n’est pas seulement un personnage dont on parle; il est une vie à vivre!  Il vient nous montrer comment l’imiter, comment reproduire ses actes, ses pensées, ses paroles, sa mentalité; en un mot, toute sa vie.  Or il n’y a que l’amour pour pouvoir ainsi vivre la vie d’un autre.  C’est notre propre vie que nous devons étudier en Jésus, donc dans le but de devenir une seule chose avec lui, comme il le veut pour chacun de nous.

VOYAGE À BETHLÉEM

Marie et Joseph vivaient à Nazareth et les prophéties annonçaient la naissance du Messie à Bethléem.  La Providence disposa les événements pour les conduire à Bethléem.  Dieu se servit de… L’édit de César-Auguste, qui était le maître du monde et un orgueilleux païen qui voulait savoir le nombre de ses sujets.  Pour cette fin il ordonna à tous les habitants de la terre d’avoir à se rapporter au lieu de leur naissance pour en faire le recensement.  Comme Joseph était de la ville de David, il fut obligé d’aller avec Marie se faire inscrire là.  C’est pendant qu’ils étaient là que Jésus vint au monde.  J’insiste encore une fois sur la nécessité non pas de connaître la vie de Jésus, mais de la reproduire!  L’esprit n’a jamais assez de science, mais quand il s’agit de vivre tout ce qui se passe dans la vie de Jésus, comme le cœur trouve qu’il en a bien assez et il est moins pressé de découvrir du nouveau!  Arrêtons-nous un peu à la façon de faire de Dieu envers Jésus et la Ste-Vierge.  Il bouleverse notre sagesse naturelle.  Juste quand Marie aurait dû rester à la maison, il la jette dehors et dispose tout pour qu’elle ne trouve pas même un coin dans une maison habitable et cela pour son Fils en qui il a mis toutes ses complaisances.  Pour le premier homme, Dieu avait créé un splendide paradis terrestre et pour son propre Fils, il ne fait absolument rien pour le recevoir convenablement… pas même comme du monde… mais comme un animal, dans une étable!  Pas un homme au monde traiterait ses enfants de la sorte!

Que s’est-il donc passé entre eux deux?  Le péché… Jésus a pris sur lui de payer la dette du premier homme qui n’a pas voulu obéir à Dieu, qui a perdu sa participation à la nature divine et qui est descendu au rang des animaux.  Le psalmiste dit que l’homme quand il était en honneur n’a pas connu sa noblesse et il est descendu au rang des animaux.  Alors Jésus va aller le chercher dans les bas-fonds de sa déchéance; il va se faire semblable à lui en tout excepté le péché.  Il est homme et donc l’objet de la colère de Dieu.  Il va satisfaire la justice de Dieu parfaitement et il commence tout de suite en arrivant au monde.  Dieu se sert d’un païen pour mettre tout l’univers en branle seulement pour que Marie soit à Bethléem juste pour la naissance de Jésus.  Les personnes ne sont donc que des instruments aveugles dans les mains de Dieu.  Il s’en sert aussi indépendamment de leur vertu.  C’est bien ce que St.  Ignace enseigne quand il dit que ce n’est pas pour sa sagesse ou sa vertu qu’on doit obéir au supérieur, mais uniquement parce qu’il tient la place de Dieu pour l’inférieur.  Qu’on nous parle donc jamais de la sagesse ou de la vertu des supérieurs; ce n’est pas pour cela qu’on doit leur obéir.  Mais que de fois on donne justement ces motifs païens pour exhorter les inférieurs à obéir aux supérieurs.  On ne devrait jamais mettre en avant ces motifs de pur paganisme… et c’est à peu près général dans les Communautés et les séminaires.  Combien en appellent aux bienfaits qu’ils ont rendus à leurs inférieurs pour se faire obéir!  Combien disent qu’ils aiment leurs inférieurs pour les faire obéir!  Tout cela est du pur paganisme!  Que l’on donne donc les seuls motifs acceptables devant Dieu pour des chrétiens: des motifs purement surnaturels!  Jamais on ne devrait discuter cette question, à savoir si les supérieurs sont sages ou bons, cela n’a absolument rien à faire avec une bonne obéissance chrétienne.  Dans les familles aussi, que de fois les parents font de même, en appellent à de semblables motifs naturels pour se faire obéir!  Que ce soit fini pour la vie!  On doit obéir pour Dieu seul… La preuve que les inférieurs n’obéissent que pour des motifs naturels est dans ce fait que la plupart disputent tout de suite et cessent d’obéir quand ils trouvent leurs supérieurs insensés ou méchants sur quelques points.  Comme ils sont scandalisés quand un supérieur n’est pas à son affaire ou qu’il manque de quelque vertu!  Tous ces gens s’attendent donc à la sagesse et à la bonté des supérieurs pour leur obéir; c’est du paganisme tout pur!  Si tous les inférieurs ne voyaient que le représentant de Dieu dans un supérieur, ils ne discuteraient jamais de sa vertu ou de sa sagesse dans leur obéissance.  Que les supérieurs soient les premiers à dire aux inférieurs que dans l’obéissance d’un chrétien le supérieur n’entre pas du tout en ligne de compte; il n’est qu’un messager qui nous apporte la volonté de Dieu.  Quand le postillon me donne une lettre de mon supérieur m’ordonnant de me rendre à tel poste, est-ce que je m’occupe des vertus du postillon?  Jamais!  Eh bien, tous les supérieurs ne sont que des postillons du bon Dieu; prenons le message de Dieu et oublions qui le présente.  Qu’on prenne bien cette idée et qu’on se la mette dans le cœur en se disant: Jésus veut que je l’imite dans son obéissance à César et dans sa mère.  Ce doit être fini pour chacun de nous la question de la vertu ou de la sagesse des supérieurs!  Nous n’en parlons plus!  Refusés à l’hôtellerie.

De Nazareth à Bethléem il doit y avoir trois ou quatre jours de marche.  Actuellement il y a un beau chemin moderne en asphalte, mais on peut voir par les vieux chemins qui existent encore dans la Palestine que la marche devait être très pénible.  Le chemin serpente à travers un pays de collines de sable et de pierres de toutes les grosseurs, qui roulent en bas dans le chemin; on marche sur toutes sortes de cailloux.  Suivons la sainte Famille cheminant sur ces cailloux!  Les auteurs aiment à dire que Marie voyageait à dos d’âne et que Joseph marchait à côté, nous l’espérons bien.  Mais ce n’est pas la coutume actuelle: ce sont les hommes qui vont à dos d’âne et les femmes qui courent à côté, même chargées d’un enfant et de toutes sortes de paquets.  Il nous prend envie de descendre ces animaux à coups de bâtons et de faire monter les femmes à leur place!  Cette barbare coutume existait-elle au temps de Jésus?  C’est tout à fait probable, car les coutumes de ces pays ne changent pas.  Dieu pouvait bien demander ce sacrifice à Marie comme il va lui demander celui de se retirer dans une étable!  Elle aussi fait sa part dans notre rédemption!

Essayons d’écouter leur conversation.  Peut-on imaginer qu’ils parlent contre le prochain?  qu’ils disputent contre la Providence?  ou qu’ils parlent des amusements, des danses et des festins que le peuple va se donner dans ces grandes réunions publiques?  Jamais de la vie!  Rien de tout cela ne les intéresse.  D’abord, ils parlent très peu, c’est sûr.  Quand le cœur est plein de Dieu et qu’on est tout à Dieu, on aime à s’entretenir avec son amour dans l’intime de l’âme et l’on ne veut pas être dérangé par qui que ce soit.  Quand les saints se sentaient pris d’amour de Dieu, ils fuyaient la compagnie des hommes pour jouir de leur entretien avec Dieu; ils s’en allaient dans les églises ou dans les solitudes pour être tout à Dieu.  Immédiatement après une communion, si on a un grain d’amour de Dieu, est-ce qu’on va bavarder avec d’autres?  Jamais on devrait le faire.  Ceux qui aiment Dieu évitent la compagnie des autres pour converser et prier avec Jésus dans leur cœur, et ils ne trouvent pas ce temps long ni ennuyeux, ils ont leur trésor avec eux et cela leur suffit amplement.

Or, Joseph et Marie sont les plus saints personnages du monde; ils cheminent donc tout absorbés en Jésus que porte Marie.  Ils ont leur trésor avec eux; ils n’aiment autre chose au monde, et cependant comme il n’est pas encore né ils ne peuvent pas en dire grand-chose.  Ils s’unissent donc à lui comme nous devons faire dans la foi.  Or pour le suivre dans la foi il faut oublier le monde visible.  Combien de chrétiens savent s’isoler des créatures pour mieux goûter leur créateur?  En voit-on un grand nombre affectionner les solitudes pour mieux méditer sur les choses de Dieu?  ou aller passer des heures devant le T.S.  Sacrement pour apprendre à aimer Jésus?  C’est tout le contraire, presque tous cherchent les foules et les distractions pour passer le temps.  Tous ces gens ignorent donc le monde de la foi et leur Dieu qui ne se montre que dans la foi.  Apprenons tous à fuir le bavardage et à tenir compagnie à Jésus dans notre cœur.  Apprenons à converser avec lui si nous voulons passer l’éternité avec lui.  Si sa compagnie nous ennuie sur terre, elle nous ennuiera dans l’éternité; et ce sera bien loin de lui.  Avant de chercher d’autres idées sur Jésus, commençons par pratiquer celles-là; elle a de quoi nous occuper.  Enfin, ils arrivent à Bethléem où ils vont à l’Hôtellerie pour demander à loger là, mais on leur répond qu’il n’y a pas de place pour eux.  Comme il y a beaucoup d’étrangers, ils ne trouvent pas plus de place dans les maisons privées.  Ils vont à l’aventure cherchant un endroit pour passer la nuit qui s’en vient.  Ils trouvent un abri creusé dans le flanc d’une colline de pierre schisteuse où les animaux se retiraient la nuit; une espèce d’étable ouverte à tous les vents et abandonnée évidemment.

Arrêtons-nous à cette épreuve.  Peu importe les motifs immédiats des gens qui leur refusent l’entrée dans l’hôtellerie, il est certain que Dieu l’a fait exprès.  Il faut que Jésus commence à accomplir les prophéties: «Il est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas reçu.» Quand même cela est dit du peuple qui n’acceptera pas sa divinité, on sait que les paroles de l’Ecriture ont plusieurs sens et plusieurs applications.  Ici, déjà les Juifs commencent à le rejeter sans le savoir dans ce cas-ci.  C’est surtout dur pour Joseph et la Ste Vierge.  Eh bien, il faut que l’expiation de Jésus tombe aussi sur ses amis.  Chacun doit compléter ce qui manque aux souffrances de Jésus et d’autant plus qu’il est un membre important du corps mystique de Jésus.  Ce que Dieu fait à notre Chef, il le fera à ses membres en proportion qu’ils lui sont unis ou qu’ils doivent le devenir.  Donc tout chrétien doit s’attendre à se faire refuser une entrée chez les siens, chez des amis.  On le mettra un jour à la porte sans cérémonie: que chacun s’y attende!  On évitera de vous parler, de vous saluer même; on invitera votre famille, mais pas vous en personne!  gens que vous aurez soignés, dorlotés, comblés de vos faits, vous tourneront le dos un jour, ne voudront pas de vous dans leurs fêtes!  Ces insultes doivent se faire parmi des parents et des amis, car si un étranger faisait cela, on ne serait pas surpris ni blessé, mais quand cela vient de ceux qui devraient avoir des égards pour nous et qui nous offensent de la sorte, c’est extrêmement dur.  C’est justement pour cela que Dieu envoie ces épreuves.  Jésus y a passé, nous tous devrons aussi y passer.  Au lieu de se fâcher contre ces gens, ne voyons que Dieu qui veut nous donner un point de ressemblance avec Jésus.  Ces choses sont normales dans toute vie chrétienne.

Dans le clergé et dans les communautés, ce sera un curé, qui refusera tel vicaire, un évêque qui ne voudra pas de tel prêtre, les paroissiens qui refuseront tel curé, etc.  Un religieux sera promené de maison en maison; c’est à qui ne voudra pas de lui!  C’est normal!  Tout chrétien doit être traité comme son Maître; au lieu de se plaindre comme un païen, qu’il remercie Dieu de le juger digne de ressembler à son Dieu.  Comme on est porté à garder de la rancune contre ceux qui nous ont éconduits et méprisés!  En vieillissant surtout qu’on s’attende à être rejeté par les jeunes.  Après s’être usé pour eux, c’est dur de se voir rejeté partout; C’est normal: Jésus a été rejeté par les siens au début de sa vie, pendant sa vie et à sa mort.  C’est donc normal pour un de ses membres d’être traité comme Jésus.  Dieu le veut pour nous détacher de toutes les affections humaines afin que nous lui donnions notre cœur au moins à la fin de la vie.  «Quand vous aurez fait votre devoir, on vous dira que vous êtes des serviteurs inutiles.» Il faut que cette parole du Maître s’accomplisse!

Il arrive aussi que Dieu punit par l’ingratitude des jeunes ce que des parents à mentalité païenne ont fait pour eux.  Ils ont tout fait pour des motifs naturels, par simple affection humaine; eh bien, Dieu se dit: Vous n’avez rien fait pour l’amour de moi, courez après votre récompense!  Mais Dieu aussi agit de la sorte pour les plus saints qui ont tout fait pour Dieu seul.  Dieu espère, dans ce cas, qu’ils vont prendre l’ingratitude des hommes comme une confirmation qu’ils ont bien fait de ne travailler que pour Dieu.  Dieu seul les récompensera au ciel. 

Du fait qu’on est rejeté, on ne peut donc pas conclure qu’on a mal agi envers les autres ou pour des motifs naturels.  C’est à chacun à voir sa propre conduite en examinant avec quels motifs il s’est dévoué pour les autres.  Que de fois nous faisons comme les Bethléémites quand Jésus se présente à nous sous forme d’inspiration à faire plus pour lui, comme de faire une retraite fermée, d’aller le visiter au tabernacle, ou dans ses malades, à lui faire l’aumône de son temps par quelque dévouement; on lui répond qu’on n’a pas de temps, qu’on n’a pas de place pour lui dans notre cœur; il est déjà plein de toutes sortes de choses!  La vie est déjà remplie par tant de soucis et de plaisirs qu’on n’a pas le temps de s’occuper de lui.  Pas de place pour lui!  Pas de temps pour lui!  Pas d’amour pour lui!  Plus tard!  Plus tard!  et Jésus s’en va ailleurs… Reviendra-t-il à cette hôtellerie qui lui a déjà fermé ses portes?  Voit-on des affairés se libérer pour donner du temps à leur âme?  Voit-on des «sports» quitter les amusements pour se livrer à la méditation des choses éternelles?  Voit-on des passionnés pour le monde se tourner définitivement aux choses de Dieu?  Quelle leçon pour nous tous!  L’étable.  Vous tous qui aimez à rationaliser le Christianisme, c’est le temps, venez à l’étable voir votre Sauveur couché dans une crèche sur de la paille et comment allez-vous juger tout cela avec votre bon sens humain?  Y a-t-il un barbare au monde qui choisirait une étable pour la naissance de son fils quand il pourrait lui avoir un palais?  Y a-t-il un père au monde qui enverrait son épouse à l’étranger pour un dur voyage à pied au moment où elle doit avoir son enfant?  Dieu n’a pas remué le petit doigt pour l’arrivée de son Fils au monde!  Où est le bon sens humain en tout cela?  On dira ensuite que la foi ne contredit pas ce bon sens humain.  Dans son orientation elle contredit habituellement la raison ou la façon d’agir de la raison; on en a un exemple ici et on en verra dans toute la vie de Jésus.  C’est tellement contraire au bon sens que la très grande majorité des chrétiens ne veulent pas de sa façon d’agir, malgré le commandement formel de Dieu de faire comme lui.  C’est donc leur petit bon sens qui se révolte contre les voies divines enseignées par la foi.  Il y a donc souvent contradiction entre les deux à ce point de vue-là.

La conséquence est qu’il ne faut pas méditer la vie de Jésus selon notre bon sens humain, mais uniquement selon la foi.  Dieu n’a pas suivi la sagesse humaine dans la rédemption, mais uniquement sa propre sagesse divine; c’est donc selon cette sagesse divine qui nous est donnée dans la foi que nous devons juger la vie de Jésus.  Car Dieu a choisi ce que est insensé selon le monde et ce qui n’est rien selon le monde pour confondre la sagesse humaine.

Voilà pourquoi tant d’auteurs qui ont fait des méditations sur Jésus sont plats à dormir debout.  Ils veulent satisfaire la raison humaine, ils veulent nous donner des consolations humaines, ils veulent nous montrer le bon sens dans la vie de Jésus… quand S.  Paul dit qu’il n’y en a pas selon le sens expliqué: que Dieu n’a pas agi selon le bon sens humain, mais diamétralement opposé, afin que les hommes soient obligés de dire que c’est Dieu seul qui a racheté l’homme.  Voilà aussi pourquoi tant de prédicateurs qui parlent de Jésus sont plats.  Ils veulent eux aussi nous faire admirer la vie de Jésus au point de vue du bon sens humain.  Ils ont quelques points dont ils peuvent parler à ce point de vue.  Par exemple, Jésus était bon pour les pauvres, Jésus était miséricordieux pour les pécheurs, il a passé en faisant le bien… et là s’arrête leur éloquence Ils n’iront jamais parler de son mépris pour les créatures, pour les honneurs et les richesses, pour les plaisirs, pour les attaches, pour la Folie de la croix: c’est tout un monde de la vie de Jésus qu’ils ne veulent pas considérer de peur d’avoir à le pratiquer et d’être obligés de sortir de leur vie de païens cultivés.  Dieu agit en vue de son amour: les hommes agissent en vue de leur amour.  Or l’amour de Dieu est dans les choses divines, l’amour des hommes est dans les échantillons; ces deux amours sont contraires l’un à l’autre, donc les moyens qui y conduisent sont aussi contraires.  Or les hommes ne suivent que leur bon sens humain pour poursuivre les échantillons.  Il faut donc que Dieu fasse le contraire pour les amener à son amour.  Ceux qui répugnent à admettre cette vérité n’ont qu’à venir à l’étable de Jésus.  L’Etable!  L’Etable!  L’Etable!  Elle confond toute la sagesse humaine et tous les philosophes de la théologie avec tous leurs «in se».  In se il n’y a pas de mal à avoir une maison pour naître!  Evidemment ce ne sont pas les «in se» qui ont influencé Dieu!  Tous ceux qui ont le cœur aux créatures sont incapables de goûter la vie de Jésus qui les contredit en toutes choses.  «L’homme animal ne peut pas goûter les choses de Dieu», dit St-Paul.  Or, l’Homme animal selon St.  Jean de la Croix, Docteur de l’Eglise, est celui qui recherche les satisfactions des sens pour elles-mêmes, comme tous ceux qui ont des attaches quelconques: sports, automobile, liqueurs, tabac, amitiés particulières, ambitions, orgueil, etc.  L’étable représente bien l’âme d’une foule de chrétiens: on y trouve la paille des pensées frivoles tournant à tous les Vents; la froideur d’un cœur sans amour de Dieu, ce feu divin qu’il est venu apporter sur la terre; la mauvaise odeur des appétits sensuels et des péchés non expiés, pas même encore pardonnés.  Combien obligent Jésus à descendre dans ces étables infectes par la communion!  ou viennent à l’église le cœur pourri par le péché.  Balayons vite toutes ces saletés de notre âme si nous voulons avoir part au bonheur de Jésus au ciel.  La mort ne fait qu’immortaliser ce qu’elle trouve dans notre âme.  Nous pouvons mourir aujourd’hui même.  Vite faisons le ménage dans notre âme afin que Jésus soit à l’aise avec nous.  Il faudra se faire violence plus tard comme aujourd’hui; Jésus est aussi contraire à la nature humaine dans la vieillesse que dans la jeunesse.  Ce n’est pas plus facile de se mortifier quand on est vieux que lorsqu’on est jeune.  Commençons donc tout de suite…

LA NAISSANCE DE JÉSUS.

«Pendant qu’un silence profond enveloppait tout le pays et que la nuit était arrivée au milieu de sa course», le Verbe de Dieu, devenu homme naquit dans cet étable où se trouvait Marie.  Elle l’enveloppa de langes et le coucha sur la paille de la crèche qui se trouvait là.  Dieu n’a pas voulu nous laisser d’autres détails sur la naissance de Jésus.  C’est la croyance universelle dans l’Eglise que la virginité de sa Mère fut respectée comme dans sa conception.  Il n’est pas question de douleur ni de maladie.  Il me semble plus probable que St Joseph devait être là pour servir de témoin que l’enfant venait bien de Marie.  Il est évidemment convaincu que Jésus est l’enfant de Marie; il a donc vu assez pour s’en rendre compte.  Comme Jésus a deux natures: la nature divine et la nature humaine, on peut s’attendre à voir les manifestations de ces deux natures.  On voit dans sa vie une certaine alternance de naturel et de surnaturel: je veux dire au point de vue physique, pas des motifs.  Il est conçu miraculeusement, mais sa Mère le porte neuf mois comme les autres mères; elle le met au monde comme tout autre homme vient au monde, mais il ne lèse sa Mère en rien et la laisse vierge.  S’il fait pitié dans sa crèche, des anges annoncent sa naissance et le ciel chante sa gloire.  Il faudra surveiller ce mélange d’humain et de divin dans sa vie… afin de faire comme lui par la grâce de Dieu.  Jésus montre sa nature divine assez souvent pour nous préserver du scandale quand il montre sa nature humaine.  Voyons donc ce mystère tout de suite selon ces deux points de vue différents: Selon la nature on ne voit que faiblesse, folie et mépris.  Il ne peut pas se remuer tout seul, lié dans ses langes.  C’est absurde pour des parents de n’avoir qu’une étable pour la naissance de leur enfant.  Peut-on imaginer une plus grande pauvreté au monde?  Personne ne voudrait les imiter tant que tout cela répugne à la nature humaine.  Combien de chrétiens dans le monde et même chez les prêtres et chez les religieux aiment à méditer sur les abaissements dans l’étable?  Ce que nous devrions conclure est que si un Dieu peut s’humilier tant ce ne devrait pas être difficile pour un simple homme.  Si lui, de riche qu’il était se fait pauvre, insensé, méprisé, combien plus les vrais pécheurs devraient s’abaisser devant Dieu.  C’est justement ce qui nous choque en lui au point de vue humain que nous devons essayer d’imiter.  C’est justement là qu’il contrarie notre nature propre comme nous devrions faire pour mener une vie divine.  Pour nous encourager à le faire, considérons-le maintenant: 

Selon la foi ou le surnaturel Jésus vient expier les excès des hommes dans leur amour pour les créatures et d’eux-mêmes.  Alors tout en expiant pour nous, il nous enseigne comment faire à l’avenir pour ne plus pécher et pour mener une vie toute divine.  Il vient combattre toutes les causes subjectives du péché dans l’homme et guérir les trois concupiscences: Voilà pourquoi il se fait faible, pauvre, méprisé et insensé aux yeux des hommes.  La foi nous montre Dieu enchaînant sa toute-puissance pour se faire petit enfant.  Depuis plus de 40 siècles il a préparé sa venue par toutes sortes de prodiges et de prophéties comme de figures.  Il vient de mettre tout le monde sur pied pour que ce petit enfant naisse à Bethléem selon les prophéties.  Selon la foi ce petit enfant est notre Rédempteur, notre Dieu et notre sanctificateur; c’est lui qui contrôle absolument tout dans le monde et qui nous jugera à la mort et fera notre bonheur au ciel.  Selon la foi il vient nous indiquer comment vivre pour arriver au ciel; il nous apporte la divine sagesse pour nous montrer où mettre notre bonheur afin de ne plus pécher.  Il se fait l’un de nous pour se faire aimer plus facilement.  Enfin nous verrons dans la suite des méditations toute la sagesse divine et tout l’amour divin qu’il vient nous apporter par sa vie contraire à nos idées naturelles.

ADORATION DES ANGES.

Si on est scandalisé de voir comment Dieu traite Jésus et Marie dans l’étable, il faut en revenir devant cette intervention miraculeuse du ciel pour les glorifier tous les deux.  Si la justice doit être satisfaite, la miséricorde n’est pas loin en arrière.  Une multitude d’anges apparaissent dans une ouverture éblouissante du ciel et chantent la gloire de Dieu et sa bienveillance envers les hommes de bonne volonté.  C’est parce que Jésus s’humilie que le ciel exalte la gloire de Dieu que Jésus procure ainsi.  Cette partie du mystère nous va très bien!  Comme on aime à voir cette scène incomparable en imagination!  Et l’on se prend à désirer d’entendre ainsi une multitude d’anges chanter sous la voûte céleste au milieu de la nuit étoilée!  Mais cette consolation divine vient après les humiliations et les souffrances.  Dieu l’a donnée visiblement afin de nous montrer que le ciel se réjouit toujours quand nous nous mortifions ou que nous nous humilions pour imiter Jésus.  La foi nous enseigne cette vérité: il faut la prendre là sur le vif comme une preuve évidente.  Mais Dieu ne le fera plus visiblement, il faudra nous contenter de le croire.  Ce n’est pas la partie du mystère qui doit nous occuper trop longtemps; ce n’est pas celle-là qu’il nous faut reproduire dans notre vie.  Mais c’est ce qui nous répugne que nous devons considérer et prendre d’une façon concrète dans notre propre vie.  Au lieu de chercher les anges dans le ciel, regardons la crèche, frémissons de froid, sentons l’odeur de l’étable et frottons-nous le nez sur la paille de la crèche: voilà ce que Dieu nous demandera un jour d’imiter.  Au lieu d’anges, dans nos humiliations et nos fiascos, Dieu enverra des amis rire de nous, nous disputer,.  se moquer de nous et tous nous abandonneront.  Voilà ce que c’est que d’imiter les humiliations de Jésus!  Quand les riches deviendront pauvres, qu’ils acceptent de descendre de leur rang social… ils s’en vont dans la direction de Jésus!  Quand il manquera quelque chose à nos aises, sachons que c’est Dieu qui veut nous faire imiter Jésus sur ce petit point.  J’ai déjà vu un prêtre faire une colère à la ménagère parce qu’il lui manquait une cuillère spéciale pour manger une chose et il en avait encore quatre autour de son assiette!  Celui-là n’a pas médité souvent sur la crèche de Jésus!  Que d’impatiences chez une foule de chrétiens parce qu’ils manquent d’une chose!  Jésus, lui, manquait de tout!  Pour le suivre au ciel, il nous faudra manquer d’une foule de choses que les hommes exigent ordinairement.

Des Bergers sont invités après les anges à venir adorer Jésus.  Dieu leur envoie un ange les avertir.  C’est symbolique de ce que Dieu doit faire constamment; il faut qu’il envoie sa grâce pour les réveiller de leur apathie pour les choses de Dieu.  Ils sont perdus dans la nuit du naturel comme les bergers dans la nuit de Noël.  L’ange leur donne tout ce qu’il faut pour trouver l’Enfant.  Ils n’ont qu’à aller dans la ville de David et là ils trouveront un nouveau-né, enveloppé de langes couché dans une crèche.  Les bergers partent tout de suite pour faire ce que l’ange leur a dit et ils trouvent l’Enfant Jésus dans l’étable avec sa Mère et St-Joseph.  Remarquons les signes donnés par l’ange pour reconnaître le Sauveur du monde: un nouveau-né, enveloppé de langes et couché dans une crèche.  Voilà les signes de celui qui est éternel, qui vient briser la plus forte tyrannie du monde, celle de Satan, et qui règne dans les cieux!  Y at-il quelque chose pour le bon sens humain en cela?  C’est donc bien vrai que Dieu fait tout le contraire du bon sens humain et le contraire des apparences.  C’est la folie de la croix déjà en pratique.  Dieu appelle des bergers, pauvres ignorants… et où sont donc les Docteurs en Israël?  les savants pharisiens, les philosophes de l’Ancien Testament?  Ces orgueilleux ne comprendraient rien aux humiliations du Sauveur et ils ourdiraient des complots pour le tuer tout de suite.  Il faut qu’il fasse son oeuvre avant de tomber dans leurs mains pour être crucifié par eux.  Voit-on plus de nos savants «docteurs» ou de nos «philosophes» de la théologie venir adorer Jésus au tabernacle par amour pour lui?  Si on en voit un jour, qu’on m’envoie donc un télégramme pour m’annoncer cette nouvelle extraordinaire!  Dieu choisit les bergers parce qu’ils sont pasteurs, pauvres et éveillés.

Pasteurs.  Dieu veut indiquer aux Evêques et aux prêtres qu’ils doivent être les premiers à donner l’exemple du service divin, à visiter Jésus partout où il se trouve: avec son Humanité dans l’Eucharistie.  Ils devraient attirer les foules à adorer Jésus par leur exemple.  Qu’on les voit là souvent allant chercher conseil et grâce pour remplir leurs fonctions avec plus de fruits spirituels, à visiter Jésus dans les pauvres, dans les malades et dans les fidèles en général.  Dieu a créé les troupeaux de moutons pour représenter les paroissiens.  Jésus revient constamment sur cette comparaison et il veut que les pasteurs aient les mêmes soins pour les fidèles que les bergers ont pour leurs troupeaux… Ils surveillent leurs moutons nuit et jour, les protègent contre les loups, les empêchent de s’égarer, prennent un soin spécial pour ceux ou celles qui sont malades ou blessés. 

Un berger est tout à son troupeau.  Eh bien, Jésus veut que les prêtres soient tout à leurs paroissiens, qu’ils doivent nourrir de la doctrine de Jésus et de toute la doctrine: de la folie de la croix comme du mépris des créatures, ce qui est la force de Dieu, la sagesse de Dieu, dit St.  Paul.  Mais combien cherchent à exploiter la paroisse le plus possible sans nourrir suffisamment les fidèles de la doctrine céleste.  Combien leur donnent la doctrine du sermon sur la montagne qui les empêcherait de tomber dans le péché?  et combien courent après leurs pécheurs?  Dieu demandera un compte sévère aux prêtres qui font négligemment leur ministère.

Pauvres et détachés des biens de la terre.  Le divin ne se donne pas à ceux dont le cœur est aux rivales de Dieu.  Quand Jésus se présente aux pauvres, il a plus de chance d’être bien reçu, tandis que les riches ont leur maison de campagne à aller voir, leurs paires de boeufs à essayer et leurs plaisirs à prendre avant de s’occuper des choses de Dieu!  Pour comprendre cette affection de Dieu pour les pauvres qu’on se rappelle que l’affection aux choses créées est rivale de notre affection pour Dieu.  Quand on est riche, on a ordinairement des affections aux rivales de Dieu, alors il est mal reçu quand il se présente.  Voilà pourquoi il affectionne surtout les pauvres.  Eveillés: souvent Jésus donne ce conseil: Veillez et priez: Lui-même a souvent passé des nuits à veiller et à prier.  Dans la nuit on est moins dérangé par le bruit et par les personnes et l’âme peut plus facilement s’élever vers Dieu loin du tracas des affaires.  Les pasteurs sont éveillés quand ils peinent après leurs journées de travail, qu’ils surveillent tout ce qui pourrait nuire à la sainteté des fidèles: les mauvais livres, compagnons, les semeurs de discorde, de mauvaises doctrines, de l’esprit du monde, etc.


Des chrétiens.  Elle ne s’est pas faite durant la nuit de Noël, c’est celle qui nous reste à faire puisque Jésus est au milieu de nous comme il était dans la crèche.  Quelle pitié de voir l’insouciance des prêtres et des fidèles pour Jésus dans l’Eucharistie, où il est en personne et en chair et en os, quoique d’une manière invisible pour nous.  C’est le même Jésus qu’au ciel, et, comme j’ai dit souvent, la mort ne fait qu’immortaliser ce qu’elle trouve dans l’âme.  Si on est si indifférent pour Jésus sur la terre, comment peut-on espérer aller au ciel où les élus se pâment d’admiration et d’amour devant Jésus?  Quand on le reçoit dans la sainte communion, les prêtres et les fidèles devraient s’entretenir avec lui, l’adorer, le louer et le prier pendant qu’il est corporellement avec eux, environ une demieheure.  Mais que de prêtres et de fidèles ne font pas d’action de grâce ou très peu!  Ils n’ont donc pas d’amour pour JésusChrist sur la terre, quand en auront-ils pour lui?  Les excuses qu’ils ont aujourd’hui pour ne pas s’occuper de lui quand il est dans leur cœur, ils les auront bien demain et après demain et ainsi de suite toute leur vie.  Voit-on souvent du changement pour le mieux sur ce point?  Chacun pense plus à son déjeuner, à sa cigarette, au journal pour voir la feuille des sports, pour badiner avec d’autres ou pour aller tout de suite aux affaires.  Tout ce monde devrait être tout aux choses de Jésus et il n’a pas le temps pour causer avec lui quelques minutes, quand il est réellement présent en corps et en âme et en divinité dans leur âme!  Voilà comment méditer la vie de Jésus pour se défaire de son «païen» et devenir surnaturel dans toute son activité, surtout dans son activité libre des facultés et donc dans sa mentalité.  Nous devons nous améliorer en imitant la vie du Jésus surtout dans tout ce qu’elle a de contraire à nos inclinations naturelles.  Nous devons tuer notre vieil homme pour que Jésus prenne la place; il faut donc se défaire de ses manières de penser, de parler et d’agir pour prendre la manière de Jésus en tout cela.  Nous devons être configurés au Christ… dans sa vie à tous les points de vue.  Dès sa naissance, donc, il nous faut reproduire les leçons contre nature qu’il nous donne dans l’étable: il y a du travail pour des années, seulement là!  Que Dieu nous donne les dons du St-Esprit pour comprendre la sagesse des voies divines et avoir la grâce de les vivre dans le concret.  Que la Ste-Vierge nous obtienne toutes les grâces pour devenir aussi semblables que son divin Fils.  Que St Joseph aussi prie pour nous enseigner à vivre avec Jésus et Marie comme il a eu le bonheur de le faire pendant plusieurs années.

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