jeudi 31 décembre 2015

La Circoncision de Notre Seigneur - Abbé Emmanuel Barbier



La Sainte Famille ne resta pas longtemps dans l'étable. L'humanité faisait aux gens de Bethléem un devoir de ménager à la jeune mère et au nouveau-né une demeure plus convenable que la grotte. Ils n'y manquèrent certainement pas, surtout quand on eut appris les événements de la nuit miraculeuse. Mais Marie et Joseph, fidèles à l'esprit de Dieu, ne durent accepter qu'un logis très modeste, peut-être la maison de l'un des bergers. Là s'accomplit un acte de haute importance. « Lorsqu'au bout de huit jours fut arrivé le temps de circoncire l'enfant, on lui donna le nom de Jésus, ce nom qui avait été marqué par l'ange avant que sa mère le conçût. »

La circoncision, rite particulier aux Israélites, était le signe de l'alliance que le Seigneur avait contractée avec Abraham, quand il le fit père d'un peuple nouveau, au sein duquel naîtrait le Messie. Ce signe, imprimé dans la chair, devait distinguer ce peuple des nations profanes. Il était un gage des promesses divines dont la race élue était devenue dépositaire. La circoncision marquait l'incorporation à la nation, et, en conséquence, elle signifiait aussi l'acceptation de la loi et de tous ses devoirs. Elle exprimait symboliquement, par l'incision pratiquée, la mortification ou la circoncision du cœur, indispensable pour demeurer dans la fidélité à Dieu. L'enfant recevait dans cette cérémonie le nom qu'il devait porter, C'est à partir de ce moment qu'il commençait à faire partie réellement de la société; il avait dès lors une existence légale et religieuse. La circoncision avait donc une certaine analogie avec le baptême, qui n'efface pas seulement le péché originel, mais nous introduit dans la société chrétienne, nous soumettant à la foi et à la loi morale de l'Eglise. D'ordinaire, c'était le chef de famille qui accomplissait le rite sacré et qui imposait le nom à l'enfant. II était circoncis dans la demeure de ses parents. Pour rendre la solennité plus grande, on invitait dix témoins, et l'un d'eux, qui répondait aux prières prescrites, faisait en quelque sorte l'office de parrain.

Notre Seigneur Jésus-Christ n'était point assujetti à la circoncision, et il aurait pu se dispenser de cette douloureuse et humiliante cérémonie. Sa conception divine et sa naissance étaient exemptes de toute souillure ; il ne portait point le péché d'Adam et n'était pas sujet aux suggestions de la chair. En outre, un prince n'est pas astreint aux lois qu'il impose à ses sujets en tant que tels, comme la loi de l'impôt. Or l'Homme-Dieu était le législateur et le chef de l'Ancien Testament, et n'était donc pas soumis aux obligations de ses lois ; et on le verra dans la suite proclamer plus d'une fois son indépendance.

Cependant il ne voulut pas se soustraire à celle-ci. Il était venu pour prendre sur lui nos infirmités et nos misères, et nous racheter par ses humiliations, par ses souffrances et l'effusion de son sang. Il ne pouvait donc lui convenir de s'affranchir de la charge imposée aux autres. Il voulait, comme nous l’apprend saint Paul, prendre sur lui la marque et l'apparence du péché, qui n'avait aucune prise sur lui, mais qu'il venait expier, et s'assujettir volontairement à la loi, pour transformer son joug pesant en celui dont il dira un jour qu'il est un joug suave. Il voulut en môme temps nous donner une nouvelle preuve de la réalité de son Humanité sainte, et aussi s'incorporer môme extérieurement au peuple choisi de Dieu, se faire reconnaître pour descendant d'Abraham. Après avoir revêtu.la nature humaine, choisi une patrie, une nationalité, il choisit aujourd'hui une religion déterminée, et il ôte par là aux Juifs un prétexte de repousser sa doctrine, ce qu'ils n'auraient pas manqué de faire, eux qui regardaient les incirconcis comme des profanes, réprouvés de Dieu.

En ce jour, ayant pris une chair mortelle, le Dieu qui répondit à Moïse, quand le prophète lui demanda comment l'appeler : « Je suis Celui qui est », se laissa donner un nom. Le nom adorable de Jésus, choisi par le Seigneur lui-même, révélé à Marie et à Joseph, signifie Sauveur, et, plus exactement, Dieu sauveur. Il dit la nature, l'être, la mission de l'Homme-Dieu. D'autres l'avaient porté avant lui parmi son peuple, mais à lui seul il était réservé d'en réaliser la signification. Jésus était le nom hébraïque de Josué, figure du Christ, qui introduisit les Hébreux dans la Terre promise. Le Sauveur véritable devait nous introduire dans l'Eglise et dans la vraie Terre promise, le Paradis. Le nom de Jésus est le nom propre et caractéristique de l’Homme-Dieu. Pour nous c'est un vrai sacramental. Tout ce que le Sauveur a été pour nous, son Nom l’est aussi : c'est le gage du pardon de nos péchés, l'assurance que nos prières sont exaucées, la consolation dans les peines, un nom de toute bénédiction. Pour le Sauveur, le Nom de Jésus est un instrument de gloire et de majesté, puisqu'il lui attire honneur, louanges, confiance, adoration et amour. Il est aussi la récompense triomphante des labeurs et des souffrances delà Rédemption : « Au nom de Jésus, tout genou fléchit au ciel, sur la terre et dans les enfers. » L'homme-Dieu porta bien des noms divers, mais aucun ne lui était plus cher que celui-ci, parce qu'il lui rappelait sans cesse notre souvenir. Voilà pourquoi ce Nom retentit partout dans sa vie : il est prononcé sur son berceau ; il sera inscrit sur sa croix au Calvaire.


Jésus est donc le nom propre du Sauveur. Les prophètes l'avaient désigné sous plusieurs autres, mais pas à ce titre. Isaïe lui donne celui d'Emmanuel, non comme celui sous lequel il sera connu, mais pour signifier ce que Jésus-Christ devait être, et en effet, puisqu'il est en môme temps Dieu et homme, et qu'il a vécu parmi les hommes, il a été véritablement ce que signifie ce nom : Dieu avec nous. C'est ainsi que le même Isaïe dit encore : « Il s'appellera Admirable, Conseiller, Dieu fort, Prince de la paix, Père du siècle futur. » Ce qui ne veut pas dire qu'aucun de ces noms doive être son nom propre, mais qu'il sera tout ce que ces noms signifient, et qu'il n'y eu a aucun de ceux-là qui ne lui convienne.

Abbé Emmanuel Barbier - Vie populaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ Tome I

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